La publication récente d’une offre d’emploi au salaire minimum afin d’attirer cinq cuisinières et cuisiniers dans un dispendieux restaurant montréalais nous dévoile clairement le vrai visage de ce l’on nomme la « pénurie de main-d’œuvre ».

Je fais partie de celles et ceux qui se sont indignés en lisant cette offre d’emploi, au même moment où l’ensemble du patronat décrit le problème comme étant une catastrophe économique qui mettrait un frein à la relance actuelle.

À la CSN, depuis les tout premiers signes de cette crise, nous étudions la situation et nous réfléchissons aux moyens concrets et efficaces qui pourraient y mettre fin. Et nous constatons effectivement qu’il y a une rareté de la main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, en grande partie là où les salaires et les avantages sociaux ne sont pas à la hauteur du travail souvent difficile et pénible qui est demandé.

Nous avançons même ceci : nous faisons face à la fois à une « pénurie » de respect et de conditions de travail acceptables et à un surplus d’emplois mal rémunérés.

Pour nous, il est de plus en plus évident que lorsque le patronat remet en question l’augmentation d’un salaire minimum nettement insuffisant, il fait perdurer un système favorisant de mauvaises conditions de travail, minant par le fait même sa propre capacité à recruter des salariés motivés.

La fin de la PCU et de la PCRE

Maintenant que la PCU et la PCRE sont chose du passé, nous avons appris il y a quelques jours que le retour au travail tant attendu par les employeurs ne s’est pas concrétisé, et que ceux-ci peinent toujours à attirer les salariés qu’ils espéraient tant. Au bout du compte, ces prestations ont tout simplement sauvé plusieurs personnes d’un plongeon brutal vers la pauvreté extrême. Rappelons qu’à moins de 500 $ par semaine, personne ne s’est enrichi, ce montant n’atteignant même pas le seuil de revenu minimum annuel de 25 921 $ pour un adulte, en 2020.

La mauvaise idée du partage de la pauvreté

Pour justifier ses offres d’emploi au salaire minimum, le restaurateur montréalais bien connu a avancé que le partage des pourboires entre les salariés au service et en cuisine faisait monter le taux horaire à 18 $ l’heure. C’est donc dire que cet entrepreneur bien nanti, au lieu de payer décemment ses cuisinières et ses cuisiniers, laisse ses serveurs et serveurs le faire à sa place…

Alors que les serveuses et les serveurs tirent la majeure partie de leurs revenus des pourboires, nous nous questionnons vivement sur cette forme de redistribution de la richesse de la salle à manger vers la cuisine, puisqu’elle ne pallie pas les mauvais salaires de base offerts à celles et ceux qui préparent les repas.

Je souhaite également rappeler que le partage des pourboires ne peut être imposé par les employeurs. L’initiative doit provenir des serveuses et des serveurs, et une convention claire et négociée doit exister entre les salariés, et ce, sans l’intervention de l’employeur.

S’il y a bien une leçon que nous devrions collectivement tirer de cet important épisode, c’est qu’on ne peut pas attirer et retenir des travailleuses et des travailleurs en leur offrant des conditions de travail minimales qui ne permettent pas de boucler un budget en occupant un emploi à temps plein.

Et qu’il est indécent de travailler à temps plein et d’avoir faim.

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