Quatorze femmes tuées au Québec depuis le début de l’année.

Quatorze femmes tuées par des hommes.

Une trentaine d’enfants orphelins…

D’innombrables vies détruites.

Ça fait plus d’un mois que j’ai écrit cette lettre. En toute transparence, je l’ai réécrite plusieurs fois. J’ai passé des heures devant mon ordi afin de bien choisir mes mots, afin de m’assurer que l’on comprenne mes propos.

Je craignais qu’elle ne passe pas. Je craignais qu’on me dise que je ne savais pas de quoi je parlais. J’avais peur de me mettre à dos les intervenants et intervenantes du milieu qui travaillent, trop souvent et depuis trop longtemps, sans grandes ressources et dans l’ombre.

Pour tout vous dire, j’ai demandé à mon épouse, à ma sœur, à ma mère et à quelques-unes de mes collègues de lire et relire les multiples versions de cette lettre afin d’avoir leur point de vue. J’ai lu et relu toutes les entrevues, passé des heures sur les sites de référence, comme sosviolenceconjugale.ca, et même contacté certains experts afin d’approfondir mes connaissances.

Aujourd’hui, j’ai décidé de la faire partager. Peu importe les commentaires que je recevrai, peu importe qu’on me dise de me taire ou pas, peu importe les conséquences, je la fais partager car jamais, jamais je ne veux que mes filles et mon garçon me demandent : « Papa, pourquoi tu n’as rien fait ? »

Pourtant, le constat est clair. Les différents acteurs du milieu implorent les hommes de prendre parole, de sensibiliser, de dénoncer. Malheureusement, trop peu le font.

Ce n’est pas l’entrepreneur ou le Dragon qui s’exprime ici, mais l’homme, le fils, le frère, le mari, l’ami, le collègue et, surtout, le papa de Victoria, Charlotte et Raphaël.

Dernièrement, une fois de plus, le Téléjournal a débuté avec la nouvelle d’un quatorzième féminicide, un quatorzième meurtre, une quatorzième fois depuis le début de l’année qu’un homme assassine une femme. En écrivant ces mots, des frissons me traversent le corps en pensant à toute cette détresse, cette violence, cette tristesse.

Depuis plusieurs semaines, je ressens un profond sentiment d’impuissance. Tous les jours, je me demande quoi faire, quoi dire, par où commencer afin d’éviter un prochain drame, afin d’éviter qu’une autre femme tombe au combat, victime de la violence d’un homme.

Le gouvernement a réagi avec force. Le premier ministre ainsi que la vice-première ministre ont décidé de mener, ensemble, le combat. Près d’un demi-milliard de dollars a été annoncé afin d’enrayer la violence conjugale et les féminicides.

Que ce soit pour les besoins en maisons d’hébergement, pour les organismes qui aident les hommes, pour les services policiers, pour les tribunaux, pour tous ceux et celles dont on a absolument besoin pour soutenir les victimes et prendre en charge les agresseurs.

Nous ne pouvons que saluer cet effort colossal, cependant, ni l’argent ni le gouvernement ne viendront à bout seuls de cette violence inouïe envers les femmes. Il faut en faire plus.

La violence part de nous, les hommes, c’est donc aussi et surtout à nous d’agir. C’est à nous de prendre parole et de dire : « assez ! »

C’est pour cette raison que j’ai décidé d’écrire cette lettre et d’inviter d’autres hommes à prendre, eux aussi, la parole. Les quatorze femmes assassinées ne sont pas des inconnues, ce sont nos mères, nos filles, nos sœurs, nos amies.

Les hommes doivent s’exprimer haut et fort afin de dénoncer la violence conjugale. Invitons les hommes à lever la main, non pas pour frapper, mais pour aider ou pour recevoir de l’aide. Face à cette violence, nous ne pouvons plus rester muets et ne rien faire, nous devons tous agir.

Il faut que les hommes qui se posent des questions sur leur comportement envers leur conjointe puissent se confier à quelqu’un en qui ils ont confiance. Que ce soit un père, un frère, un ami, un collègue, un voisin, n’importe qui, n’importe quand.

D’autre part, il faut que les hommes fassent preuve d’écoute et d’ouverture. À faire le premier geste et à aborder le sujet avec un homme susceptible d’être violent. À l’accompagner vers une ressource professionnelle et à accepter l’inconfort de certaines conversations intenses et intimes, mais tellement nécessaires. La violence n’a pas d’horaire, on ne devrait pas en avoir non plus quand il s’agit de la prévenir.

Parler au lieu de frapper. Et surtout, surtout, écouter plutôt que juger. Être cette personne, ce chum dont l’autre a besoin. On va se le dire, ce n’est pas toujours facile d’aider dans les moments les plus sombres, mais aider un homme en détresse, c’est surtout sauver la vie d’une femme, permettre à des enfants d’avoir une maman.

Les gars, c’est simple, il faut que ça change. Il faut que cette violence arrête maintenant. On est tous dans le même bateau, on est tous dans la même équipe et ensemble, on peut et on doit mettre fin à cette spirale infernale.

Prenons parole et rendons-nous disponible d’aider un chum à ne pas commettre l’irréparable.

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