Le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) exhorte les gouvernements à réduire rapidement et significativement leurs émissions de carbone pour éviter une catastrophe environnementale. Alors qu’on se trouve en pleine campagne électorale fédérale, qu’est-ce que les principaux partis politiques proposent aux Canadiens à cet égard ?

En politique fédérale, le débat sur la lutte contre les changements climatiques a évolué considérablement depuis une décennie. Après deux victoires consécutives, les libéraux de Justin Trudeau ont imposé ce thème à quiconque aspire maintenant à accéder au pouvoir. La mutation de la position des conservateurs sur la tarification du carbone en témoigne.

Le parti de Stephen Harper et d’Andrew Scheer y était opposé en 2015 et en 2019, promettant même à l’époque son abolition. Or, les conservateurs d’Erin O’Toole se disent désormais favorables à une tarification du carbone, à condition qu’elle plafonne à 50 $ la tonne. Moins ambitieuse que la proposition libérale, qui envisage un prix de 170 $ la tonne d’ici 2030, elle constitue néanmoins une avancée dans le discours des « bleus » fédéraux. Sous cet angle, le débat porte moins sur la nécessité de réduire les émissions de carbone que sur la façon de le faire. D’aucuns diront que cette stratégie n’est pas assez radicale. On constate d’ailleurs une ligne de fracture entre la vision climatique des deux partis politiques dominants, ceux qui risquent de prendre le pouvoir, et celle des trois autres formations qui sont, pour l’instant, reléguées au rang de l’opposition.

Concilier énergies fossiles et énergies renouvelables

Malgré leurs nombreuses différences, les libéraux et les conservateurs partagent une vision similaire de la transition : réduire les émissions de carbone sans opposer les énergies fossiles aux énergies renouvelables. Dans un discours de 2016, Justin Trudeau énonçait cette vision en déclarant que le choix entre les pipelines et les éoliennes reposait sur un faux dilemme, et que nous devions plutôt soutenir simultanément les deux sources d’énergie pour atteindre l’objectif climatique du Canada.

Rappelons que, suivant la nature du fédéralisme canadien, la gestion des ressources naturelles est une compétence provinciale. Dans ce contexte, la stratégie des libéraux et des conservateurs semble surtout motivée par le souci de ne pas trop irriter les provinces, et d’équilibrer les intérêts de l’Ouest canadien – qui dispose d’énormes réserves fossiles – avec ceux des provinces de l’Est, qui disposent d’hydroélectricité (Québec) et d’énergie nucléaire (Ontario).

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le barrage Manic-3

À défaut de prendre un chemin plus radical, les termes de l’équation menant à cette solution comprennent l’hydrogène à faible teneur en carbone. Il s’agit d’un gaz pouvant être produit de deux façons : 1) à partir d’énergies fossiles en capturant et en séquestrant le carbone (dit hydrogène bleu) ou 2) à partir d’électricité neutre en carbone (dit hydrogène vert). Le Québec et l’Alberta jouissent d’un avantage compétitif dans la production d’hydrogène. Sans surprise, les conservateurs et les libéraux ambitionnent de positionner le Canada comme chef de file mondial en matière de production d’hydrogène. Plusieurs mesures annoncées vont en ce sens. Les deux partis proposent un crédit d’impôt pour soutenir les technologies de capture et de stockage du carbone (CSC), technologie essentielle à l’hydrogène bleu. Les conservateurs prévoient également investir un total de 5 milliards de dollars dans le déploiement du CSC, alors que les libéraux prévoient 319 millions de dollars sur sept ans.

Au-delà des énergies fossiles

Les trois autres principaux partis politiques – le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et le Parti Vert du Canada – adoptent une position plus restrictive face aux énergies fossiles dans la lutte contre les changements climatiques. Ils sont tous d’accord pour éliminer les subventions aux industries des hydrocarbures. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), le NPD mise sur le plafonnement des émissions de GES (budget carbone) alors que le Bloc québécois propose un plafonnement de la production d’hydrocarbures. De leur côté, les verts proposent les mesures les plus restrictives pour le secteur des hydrocarbures. Cela inclut l’interdiction de la fracturation hydraulique (pétrole ou gaz naturel), de toute exploration pétrolière et gazière et de tout nouvel oléoduc, et l’élimination de toute production d’électricité à partir d’énergies fossiles d’ici 2030. En mettant l’accent sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, le parti s’engage à réduire d’ici 2030 les émissions de carbone du Canada de 60 % par rapport aux niveaux de 2005.

Politique climatique et fédéralisme

Une comparaison rapide de ces deux approches illustre une différence importante dans la vision du fédéralisme canadien. Alors que les libéraux et les conservateurs préconisent tous deux une approche climatique flexible qui minimise les irritants directs avec les provinces, la seconde vision implique une centralisation du fédéralisme canadien où le gouvernement fédéral exerce un contrôle plus direct sur les émissions de carbone. L’approche plus radicale risque de mettre à mal certains ressorts institutionnels du fédéralisme canadien. Quant à l’approche libérale-conservatrice, il ne faut pas oublier que l’hydrogène bleu comporte le risque de fuites d’émissions fugitives, dont le méthane, soit un gaz 84 fois plus puissant que le CO2.

À vous de choisir la bonne avenue.

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