En réponse au texte de Claude Gaudet, « Si la solution passait par les coops de santé ? », publié le 8 août

Si le problème du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est celui d’attribuer un médecin de famille aux plus de 800 000 Québécois orphelins, la solution, à mes yeux, ne passera pas par la création de nouvelles coops de santé.

Lisez « Si la solution passait par les coops de santé ? »

En 2005, la poussée des coops répondait aux nombreuses fermetures de cliniques médicales traditionnelles, aux prises avec une hausse des dépenses de ces entreprises, dans un environnement défavorable : stagnation du revenu des médecins omnipraticiens communautaires et incapacité d’attraction de médecins en formation, plus choyés par les forfaits accordés à la pratique hospitalière – sans devoir s’attacher à une clientèle inscrite.

À cette époque, la formule coop soulageait ces médecins en prenant en charge le fardeau des ressources administratives, matérielles et humaines de la clinique, moyennant un loyer correspondant au marché local. Les médecins participaient bénévolement à la gestion professionnelle de la clinique, incluant les efforts de recrutement et de représentation auprès des agences de santé du temps.

Les médecins recrutés participaient au modèle coopératif en offrant des services de proximité aux membres en règle, de même qu’à une proportion de patients non coopérants déjà suivis par un médecin de l’équipe.

Les membres des coops y ont trouvé leur compte tant que leurs équipes médicales se régénéraient et augmentaient leur prise en charge de nouveaux patients.

Les membres étaient aussi devenus propriétaires de leur clinique, assurant ainsi sa pérennité, désormais moins dépendante de la capacité de ces professionnels à maintenir leurs activités.

Les coops santé réussissaient lentement leur intégration aux réseaux locaux de services de santé.

Or, depuis une dizaine d’années, le système a appris à faire compétition aux coops.

On a assisté à la création d’un réseau de groupes de médecine de famille (GMF) lourdement subventionné, avec de nouveaux forfaits au profit des médecins-chefs, et à l’attribution à ces cliniques de professionnels de divers milieux (nursage [nursing], travail social, nutrition, pharmacie) aux frais des CISSS et CIUSSS.

Un médecin qui appartient à un tel GMF reçoit, en plus de sa rémunération à l’acte, une compensation forfaitaire pour diverses tâches administratives.

Ensuite sont apparus les guichets d’accès pour la clientèle orpheline avec encore des forfaits alléchants pour la prise en charge (souvent par blocs) de nouveaux patients choisis et dirigés par les CISSS et CIUSSS, sans égard à la situation des cliniques… et des coops sur le territoire. Faire entrer les « patients étrangers » dans une coop de quartier correspond à dénaturer son membership, en banalisant l’appartenance à sa clinique. Plusieurs jeunes médecins se sont laissés prendre par l’astuce (payante), au détriment de la demande locale de services médicaux.

Des 44 coops santé répertoriées au Québec, bon nombre ne semblent pas s’orienter vers la formule GMF. Pourtant, la flamme coopérative n’a plus l’ardeur d’il y a une quinzaine d’années.

Les arguments servant à recruter de nouveaux effectifs semblent moins attrayants. Au départ éventuel de médecins pour la retraite – ou pour toute autre raison –, les membres en règle n’ont plus l’assurance de continuité de soins, avantage perdu au profit des « patients étrangers » introduits par le système. Plus préoccupante, la rentabilité de ces entreprises d’économie sociale sera menacée le jour où plus de 20 % des patients suivis par leurs professionnels n’auront pas choisi de participer à l’effort coopératif.

Bref, le système ne sera pas sauvé par les coops santé qu’il s’emploie à torpiller par un ensemble de mesures sournoises et malheureusement difficiles à contrer. Durant la même période, le réseau de GMF implanté au Québec a aussi graduellement disqualifié les CLSC en les privant de leurs effectifs médicaux. Bon an mal an, ces mesures combinées ont contribué à affaiblir les services communautaires et de proximité, pourtant réclamés par nos concitoyens.

Avec les années, j’ai acquis cette conviction qu’en médecine comme ailleurs, les services suivent l’argent. Et le MSSS a beaucoup d’argent… Hélas, la vision et le sens de l’organisation ne s’achètent pas !

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