Le 4 août dernier, Ahuntsic-Cartierville s’est ajouté à une liste grandissante d’arrondissements montréalais où l’élevage de poules est autorisé. Comme dans le cas des autres arrondissements, cette décision a été prise sans consulter la SPCA de Montréal.

Pourtant, non seulement notre organisme possède une importante expertise en bien-être animal, mais comme fournisseur de services animaliers, nous sommes directement affectés par une telle autorisation. Effectivement, c’est à la SPCA que seront abandonnés les poules et coqs non désirés et c’est à elle qu’incombera la responsabilité d’en prendre soin et de les placer.

L’absence de concertation illustre un problème plus large. En 2019, le Laboratoire sur l’agriculture urbaine a publié un rapport sur le projet pilote de poules urbaines dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie qui a mis en lumière de nombreux problèmes avec l’élevage de poules en ville et a souligné l’importance d’un bon encadrement. Cependant, il ne semble y avoir aucune stratégie concertée de la Ville et on observe de graves lacunes au niveau de la planification du côté des arrondissements. C’est pourquoi nous demandons un moratoire, le temps d’entamer une réflexion approfondie avec toutes les parties concernées.

Derrière l’image bucolique que l’on se fait d’aller chercher chaque jour des œufs frais dans son poulailler se cache une réalité moins enchanteresse. D’abord, l’autorisation de garde de poules en milieu urbain crée un risque significatif de maltraitance. Les poules sont des animaux fragiles qui requièrent des soins spécialisés et coûteux. Les propriétaires de poules doivent être en mesure de leur fournir de la nourriture appropriée, ainsi qu’un abri qui les protège des intempéries et des températures extrêmes qu’on connaît au Québec. Sans compter les soins vétérinaires qui ne peuvent être prodigués que par un spécialiste en médecine aviaire et qui sont, par conséquent, difficilement accessibles à Montréal.

Avoir des poules dans sa cour, c’est donc souvent assumer une responsabilité beaucoup plus importante que ce qu’on peut s’imaginer de prime abord. Ce sont les animaux, qui, au bout du compte, en font les frais. Déjà, la SPCA recueille plusieurs poules et coqs négligés chaque année.

Ensuite, l’élevage de poules en ville est susceptible d’engendrer un problème d’abandon. Comme l’indique le Laboratoire sur l’agriculture urbaine, « la plupart des éleveurs urbains […] comptent se départir ou remplacer leurs poules lorsqu’elles ne seront plus productives […] l’enjeu de l’abandon ou de l’élimination inapproprié deviendrait rapidement problématique ». En effet, étant donné l’espérance de vie relativement élevée de ces animaux – ils peuvent vivre jusqu’à 15 ans –, il est prévisible que bon nombre de citoyens voudront s’en débarrasser, d’autant que la productivité au niveau de la ponte d’œufs diminue à partir de l’âge de 18 mois.

De plus, puisqu’il est extrêmement difficile de déterminer le sexe des poussins, quelqu’un qui souhaite avoir une poule pondeuse dans sa cour peut se retrouver avec un coq. Les coqs sont bruyants et parfois agressifs, mais surtout, ils ne pondent pas d’œufs. Ils sont le plus souvent abandonnés parce qu’inutiles. Toutes les municipalités américaines et canadiennes qui ont permis les poules urbaines ont vu un afflux important de ces oiseaux dans leurs refuges et fourrières. Montréal ne fait pas exception. Même si les projets de poules urbaines sont à leurs balbutiements, la SPCA reçoit près d’une trentaine de poules et de coqs chaque année et ce nombre est en augmentation.

Enfin, les poules en ville posent également des risques en matière de nuisance et de santé publique. Les poulaillers sont la source d’odeurs incommodantes et ont tendance à attirer les rongeurs et les ratons laveurs. Les poules peuvent contracter plusieurs maladies transmissibles à l’humain, dont la salmonelle et la campylobacte.

Le Laboratoire sur l’agriculture urbaine souligne d’ailleurs le manque de connaissances des éleveurs urbains quant aux maladies et problèmes de santé graves pouvant affecter les poules et aux mesures sanitaires à mettre en place.

Ces nombreux enjeux ont été complètement ignorés par la Ville de Montréal jusqu’à maintenant. Un moratoire permettant une réflexion en profondeur s’impose avant qu’il ne soit trop tard.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion