Mme Leroux réagit à l’article « Aide médicale à mourir : bras de fer entre le Collège des médecins et Québec », publié le 1er juin 2021

Je ne peux pas croire que je vais devoir écrire cette lettre. Mais il le faut. Ma colère est presque aussi profonde que ma peine. Le 2 novembre dernier, je tenais la main de ma grande amie alors qu’elle partait pour son dernier voyage.

Frappée par un cancer incurable, dont elle avait tout de même tenté d’atténuer les foudroyants ravages (chimiothérapie, etc.), elle avait abdiqué et demandé l’aide médicale à mourir. L’équipe soignante qui l’a soutenue dans cette étape a été exemplaire, et c’est à la maison, au fin fond de la campagne estrienne, qu’elle a quitté ce monde, entourée de ses proches et de l’équipe soignante.

On l’avait toutefois prévenue : elle devait être consciente et lucide le jour de l’administration de l’aide médicale à mourir. Et pour ce, mon amie a dû faire ce qu’il fallait. Elle a enduré des souffrances que je considère comme intolérables pour garder sa lucidité. Car dans les derniers jours précédant son départ, le mélange et la puissance des médicaments que je devais lui injecter l’avaient rendue embrouillée. Ce fut la panique, tant pour elle que pour moi.

On avait beau m’avoir donné un cours accéléré Injection 101, que devais-je faire devant son refus des médicaments antidouleur ?

Au téléphone, de jour, de soir, de nuit, médecins, infirmières, pharmaciens, tous s’y sont mis pour comprendre la situation, modifier et agencer la médication, ajuster les délais entre chacun, et tenter de soulager le mieux possible les douleurs et multiples problèmes, tout en préservant la conscience de mon amie. Je ne souhaite à personne de vivre une telle situation.

Mourir dans la dignité, ce n’est pas juste un concept juridique.

Aux « gens du Ministère » qui s’indignent de voir le Collège des médecins soutenir ses membres qui optent pour l’approche fédérale (qui n’exige plus le consentement final le jour de l’administration de l’aide médicale à mourir) plutôt que celle de la loi québécoise, la seule au Canada qui l’exige, alors face à ces gens qui ont même l’audace de menacer le Collège de porter plainte devant l’Office des professions, j’essaie très fort de retenir ma colère. Jamais ces « gens du Ministère » n’auraient pu faire de telles menaces s’ils avaient été témoins d’une situation comme celle que mon amie a dû traverser. Combien de personnes souffrantes sont encore aux prises avec les conséquences du consentement final obligatoire ? Je n’ose y penser.

Mais ma peine l’emporte sur ma colère.

Même à mon pire ennemi, je ne souhaite pas de vivre une telle situation.

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