Nous vivons dans un monde d'apparences. Elles priment souvent les faits réels, puisque parfois les perceptions outrepassent en substance le reste des considérations.

Dans le contexte actuel, l'histoire de cocktails privés payés par CPA Canada est une histoire qui n'aide pas à redorer le blason de l'apparence d'intégrité. Même dans le cas où ces apparences ne seraient pas fondées, on est possiblement face à une apparence de conflit d'intérêts.

Un club privé, un cabinet comptable de renommée mondiale (KPMG), l'Agence de revenu du Canada (ARC) et une histoire de paradis fiscaux contestée en cour : tout est là pour que le public n'ait pas une bonne perception de la situation.

Nous ne parlons pas ici d'une activité de formation où il serait convenable que tous les représentants de chacune des parties soient présents à des fins professionnelles. Non, on parle de réseautage et de discussions avec un scotch single malt 18 ans d'âge à la main. C'est un moment de proximité où les affaires se mélangent souvent à la franche camaraderie. Est-ce que cela vient par la suite altérer l'indépendance des fonctionnaires ? Il n'y a pas d'éléments permettant de croire que quiconque a vu son jugement altéré à la suite de ces événements. Par contre, est-ce que les fonctionnaires de l'ARC devraient y avoir participé ?

RÉPUTATION EN DANGER

Selon le Code de déontologie des comptables professionnels agréés, au paragraphe 36.12 : « Le membre ne doit pas se placer en situation où sa loyauté envers son client ou envers son employeur peut être entachée. » La présence des membres de l'ARC à ces soirées peut entacher la réputation de l'Agence. D'ailleurs, la suite du paragraphe 36.12 est éloquente : «  [...] le membre ne doit pas se placer en situation où il y a conflit entre son intérêt personnel ou l'intérêt de la société au sein de laquelle il exerce sa profession et celui de son client ou des clients de la société ou en donner l'apparence. »

Même si les échanges étaient demeurés à l'extérieur de sujets pouvant toucher le conflit entre KPMG, ses clients et l'ARC, le seul fait que les fonctionnaires de l'ARC étaient présents à cette rencontre pourrait être souligné comme discutable selon les extraits précédemment mentionnés du Code de déontologie.

L'autre point important : les quatre grands cabinets comptables (PWC, EY, Deloitte et KPMG) sont très présents dans l'univers comptable. Ainsi, bien que CPA Canada soit responsable de l'invitation, les représentants des grands cabinets ne sont jamais bien loin de ces événements.

Les membres de CPA Canada acceptent-ils le fait que leurs cotisations payent en partie des événements de ce genre ? Est-ce que ceux-ci ont besoin d'avoir lieu dans un club privé où l'opacité d'information est élevée ?

La séparation des équipes est un concept théorique, mais dans la pratique, est-ce suffisant ? On mentionne que les fonctionnaires présents aux événements de 2014 et 2015 ne travaillaient pas sur le dossier KPMG. Qu'à cela ne tienne, est-ce que cela empêche certains d'être éventuellement mutés d'une équipe à l'autre ou de partager des informations avec leurs collègues ? La réponse est négative.

En somme, selon le Code de déontologie des comptables professionnels agréés, l'apparence de conflit est tout aussi à éviter que le conflit d'intérêts lui-même. À l'ère des réseaux sociaux, l'apparence et les perceptions dominent et influencent directement la vitesse de diffusion de l'information. Il faudrait peut-être rappeler aux fonctionnaires de l'ARC que l'apparence est tout aussi dommageable que la réalité : peu importe leur rigueur personnelle.

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