Au cours des derniers jours, les enseignants de cégep ont donné un mandat de grève fort à leur syndicat sur la base des offres patronales connues. Lors des plénières précédant les votes de grève, il y avait pratiquement unanimité sur le fait que ces offres étaient irrecevables, tant sur le plan de l'atteinte à la qualité des services que sur ceux de l'organisation du travail et de l'autonomie des enseignants. Ce vote de grève est-il toujours légitime ?

Force est de constater que les négociations avancent. En effet, le 22 septembre dernier, l'offre patronale a changé. Elle a été révisée en retirant 46 propositions, dont plusieurs très litigieuses. Dans ce nouveau dépôt d'offres patronales, les enseignants conservent, entre autres, le droit de nommer leurs coordonnateurs de département et d'effectuer une partie de leurs tâches de la maison.

En somme, le mandat de grève obtenu par les représentants syndicaux a peut-être permis des avancées dans la négociation et le dépôt du 22 septembre dernier. Par contre, ce mandat n'est plus ficelé aux raisons initiales.

Par ailleurs, un point important achoppe toujours : le salaire. Un gel de salaire sur deux ans demeure un appauvrissement perpétuel des enseignants. Bien que ceux-ci soient conscients que les finances publiques sont précaires, on ne peut pas non plus contraindre la valeur d'un service en fonction de la capacité de payer. Ainsi, une nouvelle question se pose : le syndicat devrait-il soumettre les enseignants à un nouveau vote de grève avant d'utiliser ce moyen de pression ?

Avant de déclencher une grève, nous devons, comme enseignant de cégep, nous demander quel est notre rapport de force.

Peut-on menacer de quitter massivement nos fonctions pour travailler dans le secteur privé ? Pas vraiment. Plusieurs gagnent un salaire qu'ils ne pourraient gagner dans un marché externe au système d'éducation. Les enseignants de cégep représentent une main-d'oeuvre captive : les débouchés pour plusieurs sont limités, le régime de retraite pénalise les départs et la flexibilité du travail est difficile à trouver à l'extérieur du milieu de l'éducation. A-t-on un appui massif de la population ? Pas vraiment. Les cégeps ont un problème de perception : beaucoup de préjugés circulent sur le travail des enseignants.

Maintenant, qu'advient-il du coût de la grève ? Plus on est près de la retraite, plus l'effet d'une grève s'avère illogique. On peut trouver un avantage quantitatif à la grève lorsque l'on comprend que le gain de salaire d'une convention de cinq ans deviendra la base de la prochaine entente de travail. Par contre, rien n'indique que le résultat de la négociation sera finalement supérieur à celui résultant d'une négociation sans grève. En somme, la grève a de bonnes chances de représenter une valeur actuelle nette négative : la perte de salaire pourrait être inférieure au revenu marginal négocié grâce à la grève.

Est-ce que la grève a une quelconque valeur lorsque le gouvernement peut décréter une loi spéciale après quelques jours ? Comment le gouvernement pourrait-il voir une menace dans une grève pouvant être étouffée selon son bon vouloir ? En faisant la grève, les enseignants « s'autérisent » en coupant leur salaire et en brûlant le fonds de grève local. Le syndicat national demande aux syndicats locaux d'utiliser le fonds de grève local pour les premiers jours de grève. Si le syndicat national veut vraiment soutenir les enseignants dans leurs revendications, il pourrait subventionner la grève. Comment ? En réduisant de façon substantielle la cotisation syndicale de plus de 1300 $ par année pour financer la perte d'une grève encouragée par ces mêmes instances syndicales. Pas certain que cette proposition trouvera écho au siège social de la CSN...

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