Le fractionnement de revenus annoncé par le gouvernement Harper soulève une réflexion philosophique sur la justice de notre système fiscal. La société dans laquelle nous vivons semble voir le couple comme une fin en soi. Certains affirmeraient que la nature veut que l'on se reproduise: le couple serait un objectif inné.

Pourtant, avec le vieillissement de la population, le couple devient non seulement une relation affective et familiale, mais aussi une association économique à long terme. En d'autres mots, sommes-nous en train de discriminer fiscalement et financièrement les célibataires?

Prenons le cas de Jean et Gisèle. Nouvellement retraités et conjoints de fait depuis 10 ans, ils bénéficient d'une série d'avantages. Entre autres, ils peuvent fractionner leurs revenus de retraite. De plus, on permet un transfert d'actifs, sans impact fiscal au décès, pour les REER, le CELI, les actifs immobiliers, etc. au conjoint survivant. Par la nature même de leur relation, lorsque les deux amoureux ont une source de revenus, ils se retrouvent à partager le risque des dépenses, des investissements et des autres fardeaux financiers.

D'ailleurs, lorsqu'on est bénéficiaire d'un régime à prestations déterminées, le régime permet généralement le transfert des prestations (ou d'un pourcentage de celles-ci) au conjoint en cas de décès. Ainsi, en cas de décès prématuré, le couple s'assure d'une couverture de risques financiers appréciable. Avec l'annonce du gouvernement Harper, on favorise aussi les jeunes familles avec enfants. Elles peuvent maintenant, au fédéral, fractionner une partie de leurs revenus pour obtenir un avantage fiscal de 2000$ annuellement.

Prenons maintenant le cas de Raymond et Jean-Charles. Ce sont deux célibataires qui partagent une maison depuis 20 ans. Ils s'entendent si bien qu'ils sont même partenaires d'affaires dans un triplex situé à Montréal. Ces deux hommes ne sont pas un couple, ils ne font que vivre ensemble dans une propriété qu'ils possèdent à égalité de parts. Ils partagent donc un risque d'affaires. Regardons la substance économique. Ce sont deux individus qui cohabitent et partagent leur vie sociale. Par contre, ils n'ont pas de relation conjugale. D'un point de vue fiscal, cette absence de relation conjugale fait toute la différence. Ainsi, ils ne peuvent pas gérer leurs risques et se transférer des actifs au décès avec les mêmes avantages que Jean et Gisèle. Pour se léguer des actifs, ceux-ci devront être présumés disposés à la juste valeur marchande et un impôt au décès devra être perçu.

Alors, Raymond soulève la question à Jean-Charles: «Et si on se déclarait fiscalement conjoints de fait pour bénéficier d'avantages fiscaux?» Bien que ce soit une question purement hypothétique, Raymond a raison de soulever la question. Selon l'ARC, un conjoint de fait est «une personne qui n'est pas votre époux, qui vit avec vous dans une relation conjugale [...] et votre relation actuelle avec cette personne a duré au moins 12 mois sans interruption»

Est-ce que les célibataires pourraient se déclarer conjoints de fait ou se marier en fin de vie pour des raisons purement fiscales? Par exemple, deux colocataires de même sexe ou de sexes opposés ne devraient-ils pas s'épouser pour bénéficier des mêmes protections que les couples?

Certains diront que cette réflexion s'apparente à une joute intellectuelle davantage qu'à une vision réaliste. Pourtant, dans notre conception de la fiscalité, à force de favoriser les couples, les célibataires finiront par vivre des injustices importantes. Et si l'on mettait en place un contrat d'association fiscale entre deux personnes, peu importe la situation conjugale? On jase...

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