Pendant que la campagne électorale menace de se transformer en débat sur le code vestimentaire, ou plutôt sur la Charte de la laïcité, l'économie risque de passer au second plan. Les comptables semblent sous-représentés à Québec, alors que de nombreux enjeux politiques et publics impliquent l'expertise comptable.

Tout d'abord, il faudrait un comptable rigoureux à la tête du Conseil du trésor. Dans une période d'austérité financière, la plus grande qualité d'un gestionnaire est de savoir dire non. Pourtant, dans les derniers mois, on a dépensé comme s'il n'y avait pas de lendemain. Malgré le déséquilibre budgétaire, la première ministre du Québec a misé sur la prospérité plutôt que l'austérité. C'est à croire qu'une cigale avait remplacé la fourmi au Conseil du trésor.

Ensuite, on pourrait se doter d'un plus grand budget d'enquête sur les contrats publics. Après avoir été témoin des travaux de la commission Charbonneau, le Québec a été exposé à la magouille du secteur de la construction. Mais qu'en est-il des contrats de développement informatique? Ce secteur est encore plus difficile à gérer, puisque l'avancement des travaux est difficile à évaluer et à critiquer. En faisant la somme de tous les ministères, d'Hydro-Québec, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de la SAQ, d'Investissement Québec (incluant maintenant la Société générale de financement), etc., on est à même de constater que les ressources allouées aux contrôles opérationnels et financiers devraient être une priorité gouvernementale.

Évidemment, lorsque vient le temps d'expliquer le budget à la population, un comptable vulgarisateur serait bienvenu. Imaginons un ministre des Finances expliquer ses décisions budgétaires comme l'aurait fait René Lévesque à l'émission Point de mire. Dans sa quête d'équilibre budgétaire, ce dernier insisterait sûrement sur les revenus non récurrents pour illustrer à la population le risque financier à moyen et long terme.

Un bon comptable insisterait aussi sur l'importance de générer des surplus budgétaires périodiques pour bâtir une provision (sous forme de remboursements de la dette nationale) nécessaire à l'absorption des conséquences des creux économiques. Qui plus est, pour les immobilisations, le gouvernement devrait contribuer annuellement à un fonds de réserve permettant l'entretien et la réparation de celles-ci. Tenter d'entretenir un parc immobilier et un circuit routier à même le budget opérationnel crée des anomalies dans l'équilibre des finances publiques.

En outre, les scandales sur les rapports de dépenses ne feraient jamais les manchettes si les contrôles financiers en place étaient adéquats. Par exemple, si la 27e lieutenant-gouverneur du Québec s'était vue refuser sa première dépense injustifiée, le débat public n'aurait pas eu lieu. Où était le contrôleur des dépenses à ce moment?

L'endroit où l'expertise comptable serait le plus utile revient indubitablement dans le camp journalistique. Lors de la sortie d'un budget ou d'un énoncé économique, il faut être à même de bien représenter l'intérêt de la population. Le partenariat avec Alcoa aurait-il été annoncé comme une bonne nouvelle si l'on avait eu un sens critique financier plus aiguisé? Et lorsque la Caisse de dépôt et placement du Québec dévoilerait des résultats bien ordinaires pour une année quelconque, personne ne crierait victoire à la simple lecture d'un communiqué de presse prémâché.

D'un point de vue économique, l'arrivée des Leitao, Coiteux et cie montre des signes encourageants d'implication de spécialistes du domaine économique, et cela, peu importe l'allégeance politique. En somme, la politique n'a pas toujours besoin de comptables, mais l'intérêt public oui.

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