Ce qui s'annonçait à Ottawa comme un budget d'austérité en droite ligne avec celui de 2012 est devenu une attaque frontale contre le modèle québécois.

Les conservateurs de Stephen Harper ont le don d'allumer des feux quand personne ne s'y attend. Rappelez-vous en novembre 2008, alors que la Grande Récession débutait aux États-Unis, le même ministre des Finances avait déclenché une crise politique sans précédent en présentant un énoncé économique qui s'attaquait aux partis d'opposition tout en niant l'éminence de la récession au Canada.

En créant «la subvention canadienne pour l'emploi», les conservateurs rejettent du revers de la main la demande unanime de l'Assemblée nationale de reconduire les ententes existantes en formation de la main-d'oeuvre et de respecter la pleine juridiction du Québec dans ce domaine.

Ottawa a décidé unilatéralement et en catimini que dès 2015, le versement de 70 millions des 116 millions de dollars prévus à l'entente sur le marché du travail sera conditionnel à des ententes tripartites (entreprise-Ottawa-Québec).

L'entreprise privée devra verser environ 70 millions pour que la totalité des sommes provenant du fédéral soit déboursée, soit 5000$ par travailleur à former. Le prétexte conservateur, c'est d'arrimer la formation des travailleurs aux besoins des entreprises, comme si la commission des partenaires du marché du travail où siège le patronat québécois ne le faisait déjà pas déjà. Dans une économie de PME comme celle du Québec, il est illusoire de penser que chaque entreprise va être outillée pour déterminer ses besoins de formation et avoir les moyens de débourser 5000$ pour la formation d'un travailleur à embaucher.

L'intrusion du fédéral va se traduire par un alourdissement de la bureaucratie et une réduction des investissements en formation. C'est sans compter que cette formation sera désormais très pointue et difficilement transférable d'une entreprise à l'autre. L'enfer conservateur est pavé de bonnes intentions. La commission itinérante présidée par Gilles Duceppe a toute sa raison d'être.

Cette décision fédérale représente aussi un enjeu financier énorme pour le Québec qui peine à équilibrer ses finances publiques. Alors qu'Ottawa n'investit pas un sou de plus, le Québec non seulement perd ces 70 millions, mais doit de son côté engager l'équivalent, soit au total près de 140 millions de dépenses supplémentaires.

Pourtant, le modèle québécois en formation professionnelle donne d'excellents résultats. En 2011-20 012, 50% de ceux qui ont eu recours aux services publics de formation ont trouvé un emploi - c'est 140 000 Québécois de plus au travail -∂, soit plus que le nombre prévu de bénéficiaires de la subvention fédérale en emploi. Près de 12 000 entreprises ont eu recours aux services québécois d'emploi. On constate que contrairement aux préjugés conservateurs, les fonds de formation versés au Québec créent de l'emploi et font épargner des centaines de millions à la caisse d'assurance-emploi.

L'annonce concernant l'entente sur le marché du travail n'augure rien de bon pour la renégociation d'ici deux ans de l'entente majeure sur le développement de la main-d'oeuvre de 589 millions de dollars signé en 1997. Quinze ans après l'entente de 1997 qui a été elle-même le résultat de 30 ans de débats, le Québec se retrouve à la case départ: «Avancez par en arrière», comme disait l'autre.

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