Deux organisations, l'ASSÉ et la FNEEQ-CSN, brandissent la menace d'un boycottage du Sommet sur l'enseignement supérieur qui aura lieu à fin février. Si on peut comprendre les frustrations de ces groupes, le boycottage serait une erreur grave après la mobilisation étudiante sans précédent du printemps dernier. En effet, c'est cette mobilisation qui a imposé la tenue de ce Sommet dont certains ne veulent pas. Cette victoire peut être le tremplin à des gains concrets.

Ce n'est pas pour rien que la rectrice sortante de l'université McGill a qualifié récemment le sommet de «vraie farce», notamment parce que, selon elle, le Conseil du patronat n'y joue pas un assez grand rôle. Certains recteurs et intervenants des milieux d'affaires préfèrent manifestement la technique de l'ancien gouvernement, alors que la hausse des droits de scolarité s'était décidée derrière des portes closes avant la tenue du Sommet de décembre 2010.

Dans le cas présent, rien de cela. Le ministre Pierre Duchesne a écarté l'option de la gratuité scolaire à court terme et parle plutôt d'indexation des droits de scolarité, mais sans écarter pour le moment la possibilité de les geler. D'autres intervenants veulent carrément les augmenter et parfois de façon substantielle.

Comme le dit le philosophe Michel Seymour qui vient de publier Une idée de l'université, propositions d'un professeur militant (éd. Boréal), «le gel, c'est la défense du modèle québécois tourné vers le droit d'accès pour tous. L'indexation, même petite, c'est d'accepter une logique totalement différente. Si on obtient le gel, c'est pour se rapprocher de la gratuité».

L'ASSÉ n'a pas à demander la permission au ministre pour parler de gratuité scolaire et des principes qui soutiennent cette option. La gratuité est la norme dans la plupart des pays industrialisés et est une position tout aussi légitime que le refus catégorique des milieux d'affaires de contribuer par une taxe à l'éducation supérieure. La présence de l'ASSÉ pourrait permettre d'identifier la gratuité comme un objectif à moyen ou long terme en renforçant l'idée avancée par plusieurs groupes d'un gel des droits de scolarité.

En fait, ce sont ultimement deux conceptions de l'éducation supérieure qui s'opposent. D'une part, ceux qui conçoivent l'enseignement supérieur comme un bien public qui bénéficie à l'ensemble de la société. D'autre part, ceux qui considèrent l'éducation universitaire comme un investissement individuel en capital humain pour permettre aux futurs diplômés de maximiser leurs revenus professionnels.

Il est peu probable que la distance entre ces deux visions s'estompe en deux jours. C'est pourquoi il faut espérer que le gouvernement voit dans ce sommet un nouveau départ, comme le dit le document de présentation, qui «donne lieu à l'établissement de consensus autour de décisions et de pistes d'actions concrètes et immédiates, mais aussi d'enjeux et de questions à approfondir, par exemple dans le cadre de chantiers».

La formule des sommets existe au Québec depuis plus de 30 ans. Les différents gouvernements y ont eu régulièrement recours avec parfois plus ou moins de succès, notamment lorsqu'ils n'en respectent pas l'esprit et confondent dialogue et mise en marché. On peut donc comprendre les craintes de certains groupes. Mais, en aucun cas, il ne faut pas que ces craintes tuent l'espoir.

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