Le Québec produit beaucoup d'électricité - à tel point que nous avons des surplus énergétiques. Nos voisins immédiats, l'Ontario et la Nouvelle-Angleterre en particulier, entrent dans une période exactement opposée. Ils ferment temporairement ou définitivement des centrales nucléaires et ne veulent pas développer une trop grande dépendance au gaz naturel pour leur production d'électricité.

En effet, cela les expose à des risques de prix élevés (contrairement à l'eau de l'hydroélectricité, le prix du gaz naturel fluctue beaucoup) et davantage d'investissements en centrales électriques brûlant du gaz naturel augmenteraient leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). L'Ontario, New York et la Nouvelle-Angleterre étant déterminés à réduire leurs émissions, cette option connait des limites.

Des signes très concrets indiquent l'ouverture de nos voisins à acheter plus d'électricité québécoise: une première entente avec l'Ontario a déjà été conclue en novembre dernier pour échanger 500 MW aux heures de pointe. Le 25 février dernier, le Connecticut, le Massachusetts et le Rhode Island lançaient un important appel d'offres conjoint pour de l'«énergie propre», qui ouvre la porte à l'hydroélectricité canadienne. Le Vermont organisait en début de semaine la conférence Power from the North/Le Nord électrique, où M. Couillard et son ministre de l'Énergie, Pierre Arcand, se sont personnellement déplacés. Des contrats sont possibles.

Pour que le Québec bénéficie vraiment de cette situation, et que les meilleurs choix se fassent ici comme chez nos voisins, il ne faut cependant pas penser au cas par cas: une entente ici, un contrat là et d'autres différents ailleurs. Il faut au contraire chercher à ajouter de la cohérence dans cette mosaïque décousue que sont les politiques énergétiques et environnementales de l'Amérique du Nord. La tâche est ardue, mais plusieurs acteurs commencent à comprendre la nécessité d'avoir une vision plus globale.

Alors que le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles planche sur la nouvelle politique énergétique québécoise, affirmer les intentions du Québec en ce qui a trait à l'électricité dans le Nord-est américain devrait être un élément majeur. Évidemment, il n'est pas en notre pouvoir de remodeler les choses à notre volonté chez nos voisins. Mais nous pouvons repenser nos manières de faire locales pour les rendre plus compatibles avec les défis globaux et opportunités qui se présentent. Deux enjeux en particulier pourraient grandement contribuer à faire progresser la situation: notre consommation d'électricité, d'une part, et notre vision du réseau électrique, d'autre part.

Sur le plan de la consommation, d'importants gains pourraient être réalisés au Québec: des études réalisées pour Hydro-Québec et déposées à la Régie de l'énergie estiment à environ 20% la réduction de demande d'électricité dans le secteur résidentiel et commercial sur un horizon de 5 ans. Non seulement réaliser ce potentiel d'efficacité énergétique nous ferait faire un bond de productivité, mais les quantités d'énergie économisée pourraient être redirigées chez nos voisins. Vendues à leur prix plutôt qu'à celui du bloc patrimonial, le Québec engrangerait des revenus supplémentaires de l'ordre de plusieurs milliards.

Pour exporter davantage, évidemment, il ne faut plus voir notre réseau électrique comme étant au simple service des Québécois. Il faut le concevoir comme étant au service de la région du Nord-est américain et orienter dès maintenant les décisions pour favoriser une meilleure intégration régionale. Nous produisons déjà à 1000 km de Montréal (Baie-James, Churchill Falls), sans nous questionner. Pourquoi ne pas envisager de vendre à 600 km ou moins de Montréal (Toronto, New York, Boston), sur une base régulière, lucrative et environnementalement plus responsable?

En 2015, année d'une nouvelle politique énergétique, d'un nouveau PDG d'Hydro-Québec et d'initiatives majeures dans la lutte aux changements climatiques, il est temps repenser notre secteur de l'électricité - pour lui donner une portée globale.

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