C'est en août dernier que le prix du pétrole a commencé sa chute. De plus de 100$ le baril, il est passé sous les 50$, un changement que personne n'avait vu venir, même si les principaux éléments des explications données maintenant étaient déjà connus: surabondance de la production et ralentissement de la demande.

Les conséquences directes de cette situation sont faciles à imaginer: les consommateurs y gagnent tandis que les producteurs y perdent. Au Canada, l'Alberta entre dans une période très difficile. Les provinces consommatrices, l'Ontario et le Québec en tête (50% de la consommation canadienne de pétrole), bénéficient d'un double effet positif: une réduction des dépenses en produits pétroliers de l'ordre de 30% et, avec la chute du dollar canadien, un coup de pouce pour les exportations. Évidemment, le ralentissement en Alberta va réduire la croissance canadienne et affecter les transferts fédéraux. Mais globalement, les trois milliards que les Québécois économiseront sur leur facture d'essence en 2015 pourront difficilement s'avérer insuffisants pour faire regretter un prix du pétrole élevé, qui aurait aidé la péréquation.

Pensons cependant plus loin que ces effets locaux et directs. Qu'y a-t-il de bon et de mauvais dans ce retournement du marché du pétrole?

À un prix de 100$ et une production mondiale de près de 90 millions de barils, c'était un revenu de 9 milliards par jour que les producteurs de pétrole recevaient. Pour les 10 plus gros pays exportateurs (30 millions de barils par jour), ce sont les gouvernements qui voient directement leurs revenus fondre, puisque ce sont essentiellement des compagnies d'État qui produisent. Aucun de ces pays n'est une démocratie modèle et six se trouvent au Moyen-Orient. La Russie en particulier, deuxième exportateur derrière l'Arabie saoudite, voit ses revenus annuels d'exportation chuter de 2500 milliards à «seulement» la moitié. Dans ce contexte, les risques d'une politique étrangère agressive sont limités puisque la crise interne causée par la chute du prix déstabilise le gouvernement russe.

Les mannes financières vers le Moyen-Orient et des pays instables comme le Nigeria ou le Venezuela sont aussi fortement réduites - ce qui limitera d'autant leur capacité de nuire. Que ce soit à travers la corruption ou des initiatives militaires, l'argent du pétrole a rarement servi à l'amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Ainsi, le petit prix du pétrole contribue à une plus grande stabilité mondiale.

La source d'énergie dominante

Malheureusement, avec une part de 30% de la consommation mondiale d'énergie, le pétrole domine encore les sources d'énergie utilisées par les humains. C'est plus que le charbon et le gaz naturel et très loin devant les énergies renouvelables ou nucléaires. Pour lutter contre les changements climatiques, il faut cependant réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES), dont les deux premières sources sont la combustion de charbon et de pétrole.

La diminution du prix du pétrole survient donc à un très mauvais moment. Les consommateurs vont beaucoup moins ressentir le besoin d'améliorer leur consommation d'énergie en transport, où l'essentiel du pétrole est brûlé. Les alternatives auront plus de mal à s'imposer. Au Québec, le gouvernement a bénéficié de la chute du prix de l'essence pour que le nouveau prix du carbone passe inaperçu. Mais la conjoncture actuelle ne rendra que le choc plus brutal quand le plafond d'émissions de GES sera atteint: les habitudes n'auront pas changé et l'adaptation sera plus douloureuse.

Si l'on peut se réjouir de certains aspects locaux et globaux du bas prix du pétrole, cela complique aussi la mise en place des changements que nous devons entreprendre. Peut-être faut-il donc souhaiter une hausse rapide du prix de l'essence?

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