Le monde de l'énergie est un peu secoué depuis la fin du mois de septembre par la baisse du prix du pétrole : de 94 $US, il est passé à 82 $US en une dizaine de jours et s'y maintient depuis. Une partie de l'explication se trouve dans la production record aux États-Unis : les chiffres les plus récents indiquent une production de presque 13 millions de barils par jour, du jamais vu dans l'histoire du pays.

Un creux avait été atteint en septembre 2005 (6,1 millions de barils par jour), juste avant que le pétrole de schiste ne redonne un essor à la production. Les autres éléments explicatifs sont le reste de la production mondiale qui, elle aussi, se maintient, entraînant une abondance record de pétrole : 89 millions de barils par jour sont aujourd'hui produits sur Terre. Avec la demande de produits pétroliers raffinés qui décline en Amérique du Nord et en Europe, et qui faiblit dans le reste du monde, la baisse s'explique facilement.

Facilement... mais personne ne l'avait prédit. Cette baisse donne des sueurs froides aux gouvernements qui comptent sur des revenus pétroliers, comme l'Alberta, qui avait prévu dans son budget un pétrole à 95 $US. Certains laissent même sous-entendre que la baisse est voulue par les États-Unis et l'Arabie saoudite pour affaiblir la Russie et l'Iran, dont les budgets sont grandement dépendants des revenus pétroliers.

Les questions qui se posent restent cependant ouvertes : est-ce que ce relatif bas prix va durer ? Peut-il même descendre plus bas ? Est-ce que c'est bon pour l'économie et l'environnement ? Difficile de répondre avec assurance à ces questions, mais certains éléments peuvent aider.

Tout d'abord, l'Arabie saoudite a déclaré qu'elle n'abaisserait pas sa production de 11 millions de barils par jour pour aider à faire remonter le prix. C'est historiquement ce « petit » pays de 26 millions d'habitants qui s'ajustait pour stabiliser le cours du pétrole. Aucun autre producteur ne semble avoir renoncé à une part de sa production... et personne n'anticipe un regain de demande pour le pétrole à court terme.

Il est donc fort possible que le prix reste stable entre 80 et 85 $US pour plusieurs semaines encore, voire plusieurs mois. Il pourrait même baisser un peu plus, mais à ce moment, les pertes subies par les grands producteurs seraient sans doute suffisantes pour les inciter à réduire leur production pour faire remonter les prix.

Comme la demande de pétrole est largement insensible au prix, il est très peu probable que, subitement, les consommateurs se ruent aux pompes pour profiter d'un relatif bas prix. À court terme, donc, la consommation restera inchangée et les émissions de gaz à effet de serre liées au pétrole seront plutôt stables.

Certains projets d'investissement dans de nouvelles capacités de production de pétrole, par contre, seront vraisemblablement retardés par les bas prix et peut-être annulés. Cela aura pour effet de contribuer à faire remonter le prix du pétrole, puisque de nouvelles sources de production sont constamment nécessaires pour faire face au déclin naturel des gisements en production.

Un scénario possible serait celui de l'adoption de politiques cohérentes avec l'objectif consensuel de limiter le réchauffement climatique à 2°C d'ici 2100. Dans ce cas, avec les contraintes que cela imposerait sur les émissions de GES et la possibilité de brûler le pétrole, son marché diminuerait... alors que l'offre continuerait d'être abondante. Le prix se maintiendrait bas alors pour très longtemps, mais personne n'en profiterait, puisqu'on en consommerait de moins en moins.

Pour l'économie, enfin, comme le pétrole sert essentiellement aux véhicules, et très peu pour la production de biens et services créateurs de richesse, son prix n'a maintenant que peu d'impact. En somme, le prix actuel du pétrole aura des effets diffus pour le Québec. Son bas niveau ne devrait pas réussir à éclipser les grandes questions qu'il nous reste à aborder : production, transport, consommation. Quel est notre plan de match ?

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