Il y a un paradoxe environnemental au Québec. Tout le monde s'entend sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), nous avons mis en place l'outil le plus ambitieux pour effectivement limiter nos émissions - le marché du carbone -, mais à peu près personne n'en parle.

Ainsi, le 7 mars, le résultat des deuxièmes enchères de droits d'émission de GES a été dévoilé dans la plus complète indifférence collective. Le prix de la tonne de GES est resté au prix plancher, à 11,39$. Pourtant, si le gouvernement avait annoncé une nouvelle taxe sur l'essence de 2,8¢/litre pour le 1er janvier 2015, tout laisse croire que les tribunes radiophoniques auraient été inondées d'appels et que les candidats aux prochaines élections auraient réagi.

Or, le marché du carbone et les enchères de droits d'émission, c'est l'équivalent d'une nouvelle taxe sur l'essence d'au moins 2,8¢/litre dès le 1er janvier prochain. Peut-être qu'il serait temps qu'on en parle, qu'on se prépare et qu'on réussisse notre transition vers une économie verte. Entre 2015 et 2020, le plafond d'émissions de GES va diminuer de 65 à 55 millions de tonnes. C'est l'équivalent d'une réduction d'environ 5 millions de barils de pétrole par année, chaque année... alors que nous consommons depuis 15 ans environ 130 millions de barils par année. Nulle part sur Terre n'aura-t-on autant réduit les émissions de GES cinq années consécutives, sauf lors de crises économiques majeures.

Augmentation du prix de l'essence

Sans préparation, comment couper 25 millions de barils de pétrole d'ici 2020? Les mauvaises nouvelles vont s'accumuler à partir du 1er janvier 2015.

Il s'agit d'une date clé parce que le secteur du transport, où nous consommons l'essentiel du pétrole, va être soumis au marché du carbone (auquel le Québec participe avec la Californie) à ce moment. C'est pour cela que le prix de l'essence va augmenter d'au moins 2,8¢/litre; les distributeurs d'essence vont être obligés d'acheter des droits d'émission de GES pour l'essence qu'ils vendent, et ils vont refiler la facture aux clients.

Il est certain que cette nouvelle taxe ne va pas rester à 2,8¢ très longtemps: chaque année, elle va augmenter d'au moins 5% ou plus, si la rareté des droits d'émission fait monter leur prix.

Le gouvernement québécois va ainsi récolter environ 500 millions entre 2015 et 2020 à travers les ventes aux enchères de droits d'émissions, pour un total de près de 3 milliards. Or aucun document ne précise comment cet argent va être dépensé. On aurait pu faire des annonces pour offrir des alternatives aux automobilistes, pour leur permettre de se soustraire à la nouvelle taxe... et de réduire leurs émissions.

Un autre enjeu, c'est celui des chèques que le Québec va signer à la Californie, auquel notre marché du carbone est lié, puisque nous partageons nos plafonds d'émission. C'est une bonne nouvelle, parce que c'est un partenaire prestigieux et crédible. Par contre, la Californie a des ambitions moindres que les nôtres. Il y aura donc plus de droits d'émission là-bas que chez nous. Quand notre plafond aura été atteint, on achètera donc des droits à la Californie. Est-ce que nous sommes d'accord pour financer les programmes de réduction de GES... en Californie?

Il est vrai que l'environnement ne fait plus partie des préoccupations principales des Québécois, si on se fie aux sondages. Mais ici, c'est d'argent dont on parle. Vendredi dernier, c'est Alcoa, Suncor, Shell, Hydro-Québec et 12 autres entreprises qui sont passés à la caisse (25 millions). Le 1er janvier prochain, ce sera vous. À moins que vous ne passiez plus à la pompe. Êtes-vous prêts?

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