Ainsi, 30 ans après François Mitterrand, un candidat socialiste l'emporte, et nettement, à l'élection présidentielle.

Ce résultat n'est pas seulement l'échec de Nicolas Sarkozy, il ne marque pas uniquement le rejet d'un président sortant qui a fait en sorte de ne pas présenter de bilan, et qui a courtisé l'électorat populiste et nationaliste de Marine Le Pen. C'est aussi la victoire de François Hollande, qui a fait preuve de redoutables qualités tactiques, de prudence, de sang-froid, de savoir-faire politicien.

Dans les jours qui viennent, on commentera les choix effectués par François Hollande pour son équipe de transition, et la fièvre électorale ne retombera pas: la préparation des élections législatives devrait être chaude dans chaque camp.

À droite, l'UMP sonnée par la défaite de Nicolas Sarkozy, en proie au doute et à la division, devra faire des choix douloureux face à un Front national en position de force: composer avec lui et perdre son âme ou continuer à le traiter en pestiféré au nom des valeurs républicaines et perdre un nombre considérable de députés.

À gauche, les résultats du premier tour, nul pour Eva Joly et donc les écologistes, et moyen pour Jean-Luc Mélenchon, qui représentait le parti communiste au premier tour de la présidentielle, sans parler du soutien, au dernier moment, apporté par le centriste François Bayrou à François Hollande, laissent prévoir de vives discussions, sinon sur le fond, du moins à propos des investitures.

Et ensuite? Durant sa longue campagne, François Hollande a évité les promesses, en même temps, du coup, qu'il s'abstenait de proposer une vision exaltante de l'avenir. Il est d'abord attendu en matière sociale et économique. Des licenciements, plans sociaux, délocalisations, fermetures d'établissements, mises en cessation de paiement ou liquidations d'entreprises sont à prévoir, certains déjà décidés, mais retardés à la demande de l'ancien président et de ses proches, et la pression risque d'être considérable sur ce front. Et si, de surcroît, le nouveau gouvernement doit annoncer des mesures de rigueur, il ne faut pas exclure que des protestations, avant ou plus vraisemblablement après l'été, revêtent l'allure de la rage et de la violence.

Il ne suffira évidemment pas au pouvoir d'écoper au cas par cas, et la relance, les efforts pour retrouver la croissance ne pourront s'avérer payants, au mieux, qu'à moyen terme.

Une telle situation rend difficile la promotion de projets ambitieux. Elle réduit aussi l'espace pour des débats constructifs relatifs à d'autres enjeux que ceux qu'impose directement la crise économique, financière et sociale. Ceux qui voudraient que l'on traite sérieusement, en profondeur, de la diversité culturelle, de la laïcité, que l'on articule des préoccupations écologiques à la recherche de la croissance, que l'on considère l'immigration autrement que comme un problème d'ouverture des frontières; ceux qui voudraient que le long terme ne soit pas sacrifié aux exigences immédiates d'une population inquiète et demandant plus de justice sociale.

Il leur faudra ronger leur frein, tandis que se renforceront les appels à la nation, à la sortie de l'euro - et de l'Europe - et que se durciront les positions relatives à l'immigration ou à l'islam.

Les sources de dérive et de radicalisation seront demain plus puissantes qu'elles ne l'ont été jusqu'ici, et les eaux des divers mécontentements et frustrations sont susceptibles d'être capitalisées par des acteurs politiques situés aux extrêmes.

Le paradoxe de la situation présente est là: François Hollande vient de remporter une belle victoire; la gauche classique sort apparemment maîtresse du jeu politique, démocratiquement, mais ce jeu risque fort d'être bousculé par d'autres forces, populistes, nationalistes ou révolutionnaires.

François Hollande saura-t-il éviter aux Français le désenchantement menant à l'exaspération des extrémismes? Telle est la question qui se pose en France au moment où sont rendus publics les résultats des élections.

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