C'est à croire que certaines leçons sont plus difficiles à comprendre que d'autres. Après la saga Marcel Aubut et le mouvement #agressionnondénoncée, l'homme d'affaires Daniel Guay s'est quand même permis, sourire aux lèvres, de prendre un sein de la députée libérale Caroline Simard lors d'un cocktail tenu dans Charlevoix le 6 novembre dernier.

Mme Simard a promptement réagi en rapportant l'événement sur Facebook. Elle en a ainsi appelé à la responsabilisation de son agresseur en le sommant de s'excuser publiquement et de s'engager à requérir de l'aide pour corriger ses écarts de comportement. Dès le lundi matin, M. Guay a obtempéré en émettant un communiqué d'excuses, dont Mme Simard s'est déclarée satisfaite, tout en rappelant « l'importance de dénoncer ces actes, peu importe le médium choisi pour le faire ».

Le premier ministre a exprimé son soutien envers sa députée en soulignant qu'elle « avait clos l'événement de façon élégante et ferme ». Silencieuse quant à la méthode de dénonciation choisie par Mme Simard, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée a plutôt enjoint les femmes qui sont victimes d'agression sexuelle à porter plainte « puisqu'il s'agit d'abord et avant tout d'un acte criminel ».

Cette réaction est étonnante ; d'une part parce que Mme Vallée est elle-même une femme et d'autre part parce qu'elle révèle l'existence d'un certain malaise à l'égard de la justice réparatrice, un véhicule peu connu, mais qui a néanmoins fait ses preuves.

Cette forme de justice s'intéresse autant aux agresseurs pour les aider à une prise de conscience de l'impact de leurs actes sur des individus et sur la société qu'aux victimes pour les aider à se libérer des charges affectives destructrices causées par l'acte criminel.

Loin d'appartenir à l'ésotérisme, la justice réparatrice fait même l'objet de lignes directrices émises par le Service correctionnel du Canada. Un Centre de services de justice réparatrice, situé à Montréal, existe également depuis 2001 et a permis à 550 personnes ayant vécu les conséquences d'un crime de vivre des rencontres de dialogue et d'échange destinées à restaurer ce que le crime a brisé. Ces rencontres ont été évaluées entre 2005 et 2008 par le Service correctionnel du Canada et ont révélé des résultats très satisfaisants, qui méritent qu'on reconnaisse la pertinence et la crédibilité de cette forme de justice.

La semaine du 15 au 22 novembre est d'ailleurs, au Canada et partout dans le monde, celle de la justice réparatrice avec pour thématique « Au coeur de l'innovation ». Au chapitre du renouveau, la ministre Vallée aurait avantage à garder en tête qu'elle a elle-même choisi de faire de la justice participative, une proche parente de la justice réparatrice, un des principes directeurs du nouveau Code de procédure civile, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain et qui encadrera désormais les procédures judiciaires de nature civile.

Les outils et principes alternatifs ne sont pas incompatibles avec les véhicules procéduraux traditionnels, pas plus qu'ils ne sont symptomatiques d'un désaveu ou d'une menace envers notre système judiciaire. Ils peuvent tous cohabiter et être exploités de façon parallèle afin de répondre aux besoins et aux attentes de chacun. On devrait toutefois se garder de condamner ceux qui, pour des raisons infiniment personnelles, se satisferont des solutions offertes par la justice réparatrice.

La lucidité s'impose quant aux délais et irritants de notre système judiciaire, par ailleurs fondamentalement juste, droit et équitable. La justice réparatrice intervient alors comme un heureux complément qui repose sur la conviction que la justice peut s'exercer de façon plus humaine et plus communautaire, tout en resserrant le tissu social par la responsabilisation. Au final, on aurait tort de bouder une justice qui permet aux victimes de guérir, de se redresser et de reprendre du pouvoir sur leur vie.

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