Un tribunal est présentement appelé à décider s'il est légal d'installer une caméra de surveillance dans une chambre de CHSLD. Si l'intention, soit d'assurer la protection et la sécurité d'individus vulnérables, est louable, le malaise, lui, reste palpable et le débat profondément émotif.

Nous avons tous en mémoire les images bouleversantes, rediffusées en boucle depuis quelques jours, du pauvre Léandre Contant, un résidant d'un CHSLD de Lanaudière souffrant de la maladie d'Alzheimer, qu'une caméra cachée par sa fille avait montré être traîné et tiré sur le sol par une préposée aux bénéficiaires à l'automne 2005. L'histoire avait fait grand bruit et le débat sur l'admissibilité de la preuve vidéo s'est subséquemment transporté devant les tribunaux lorsque le syndicat a contesté le congédiement de la préposée.

Le 23 mars 2010, la Cour supérieure du Québec a confirmé l'admissibilité en preuve de l'enregistrement vidéo, ajoutant par ailleurs que la préposée ne pouvait prétendre à la violation de son droit à la vie privée alors qu'elle se trouvait dans la chambre du résidant. Néanmoins, la Cour a ajouté que l'installation d'une caméra dans la chambre de Léandre Contant «n'était pas un moyen orthodoxe», mais que les circonstances de l'espèce, plus particulièrement la présence de marques et blessures sur son corps, justifiaient la motivation et l'intérêt juridique de sa fille.

La Cour ne semble donc pas offrir un laissez-passer sans restriction à l'installation de caméras de surveillance et suggère qu'une telle démarche serait conditionnelle à l'existence de doutes sur la qualité des soins.

Reste à voir, maintenant, si ce raisonnement sera appliqué à la cause du «bijou volé» entendue par la Cour la semaine dernière. Le cas échéant, le débat demeurera entier puisqu'il faudra encore déterminer ce que constitue une motivation suffisante ou un «doute sur la qualité des soins». Pour certains, des soupçons de violence seront nécessaires alors que pour d'autres, un repas servi en retard ou un roulement de personnel inhabituel suffiront à soulever colère et insatisfaction.

Il faudra également arbitrer des conflits qui, abstraction faite des cas évidents d'abus, sont souvent symptomatiques d'une communication déficiente et d'une fragilisation du lien de confiance avec l'équipe soignante. Car la vie, rarement peinte de noir ou de blanc, se décline plutôt en nuances de gris. Et si certaines images ne laissent aucune place à l'imagination quant aux sévices commis, d'autres, voire la plupart, sont plus subtiles, sujettes à interprétation et fournissent un aperçu bien fragmentaire, et souvent dénué de contexte, de ce qui se déroule entre les murs d'un CHSLD.

Et puis, le désir d'inclure la caméra de surveillance dans le mobilier de chambre, au même titre que la vieille chaise berceuse qui grince et les photos de famille, nous renvoie invariablement à des questions douloureuses à l'égard de notre propre responsabilité envers nos parents vieillissants. Les yeux bioniques cachés dans l'ours en peluche cherchent-ils à compenser nos absences et à excuser notre difficulté à ajouter la gestion des soins prodigués à nos parents à notre liste, déjà trop longue, d'obligations et de responsabilités?

Ce débat mérite de déborder des frontières du tribunal et appelle une discussion de fond qui pourrait, peut-être, aboutir à la conclusion que l'installation de caméras de surveillance dans les chambres de CHSLD est légalement, moralement et socialement acceptable. Mais nous avons à tout le moins l'obligation de nous demander si la fin justifie réellement les moyens et si nous sommes prêts à assumer les conséquences et les dérapages qu'entraîneront inévitablement ces courts et longs métrages.

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