Je suis troublée par ceux qui, consciemment ou pas, nient l'évidence. On peut penser à Rob Ford qui, pendant des mois, s'est ridiculisé en refusant d'admettre son problème de consommation, ou à Pauline Marois, qui a rejeté du revers de la main l'illégalité de son projet de Charte des valeurs, allant jusqu'à inventer des avis juridiques en sa faveur. Force est de reconnaître que lorsque la question devient personnelle et émotive, le recul et l'objectivité sont rarement au rendez-vous.

Mais qu'un organisme qui porte le sérieux nom d'Institut affirme qu'il n'y a pas d'épidémie d'obésité au Canada, que le problème est individuel plutôt que collectif et que les mesures gouvernementales de lutte à l'obésité sont inutiles, dépasse l'entendement. On comprend mieux en apprenant que derrière l'apparente crédibilité de l'Institut Fraser se cache un organisme de recherche dont une des raisons d'être consiste à défendre la réduction de l'intervention gouvernementale. Pour l'indépendance et l'impartialité, on repassera donc.

Accepter sans broncher les résultats l'étude de l'Institut Fraser, ce serait aussi donner une claque en plein visage aux intervenants d'ici qui travaillent sans relâche et font des pieds et des mains depuis plusieurs années pour sensibiliser la population aux conséquences de l'obésité et bâtir des programmes de prévention et d'éducation.

À cet égard, quelque part entre le poing en l'air de PKP et le lancer d'insultes boueuses pendant la campagne électorale, des professionnels de la santé, parmi lesquels les réputés Drs Martin Juneau, Richard Béliveau et Gilles Julien, ont demandé au futur gouvernement d'instaurer un cours de nutrition obligatoire dans les écoles.

Cette demande, peu coûteuse et relativement facile à concrétiser, est malheureusement restée lettre morte. Notre nouveau ministre de l'éducation, médecin de surcroît, aurait tout avantage à attraper la balle au bond et reconnaître que son ministère peut contribuer à lutter contre un problème qui, n'en déplaise à l'Institut Fraser, est bien réel et lourd de conséquences.

Contredisant les chiffres présentés par l'Institut Fraser, l'étude Obésité au Canada, publiée en juin 2011 par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) et l'Agence de santé publique du Canada, a en effet révélé que le taux d'obésité a doublé au pays depuis 1981 et même triplé chez les jeunes de 12 à 17 ans, passant de 3 à 9,4%. Plusieurs d'entre eux souffrent de diabète de type 2 et d'hypertension, des maladies pourtant presque exclusivement réservées aux adultes il y a trois décennies à peine, et qui entraînent des coûts astronomiques pour le système de santé.

L'implication dans ce projet du Dr Gilles Julien, pédiatre social pratiquant en milieux défavorisés, n'est certainement pas un hasard. Il est reconnu que les parents jouent un rôle fondamental dans la transmission des valeurs associées à une saine alimentation. Or, bien des familles démunies n'ont pas les ressources et les outils nécessaires, d'où l'importance pour l'école de donner un coup de main.

Nul besoin, toutefois, que ce cours soit complexe et fastidieux. Un complément à un cours déjà existant, comme la biologie, qui fournirait des informations de base sur l'étiquetage alimentaire, les vitamines et minéraux et les qualités nutritives des divers aliments, représenterait assurément un bon départ.

Évidemment, l'ABC de la nutrition ne devrait être que la première étape d'une intervention vigoureuse destinée à renverser la vapeur d'un problème de société qui nous appartient tous. Après, il faudra parler de taxes sur les boissons sucrées et de restrictions au zonage applicable aux restaurants de malbouffe établis près des écoles. Autant de sujets de réflexion pour nos décideurs et... l'Institut Fraser.

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