Si l'attentat de vendredi dernier à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, démontre que les Canadiens sont aussi les victimes du terrorisme, il vient surtout rappeler comment le Sahel est devenu le plus important champ de bataille des terroristes après le Proche-Orient. La zone sahélo-saharienne se prête à ce front du combat terroriste tant elle cristallise un système complexe de crises.

Le terrorisme prospère et s'implante là où des conditions politiques, économiques, sociales, religieuses et culturelles s'y prêtent. Si le Burkina Faso est entré dans une période politique délicate depuis la chute en 2014 de Blaise Compaoré, le pays est relativement stable et ne connaît pas les troubles et les divisions ethniques et religieuses qui affligent d'autres pays du Sahel pratiquement depuis leur indépendance en 1960. La situation dans ce pays est à surveiller, mais c'est ailleurs que le danger réside.

La zone sahélo-saharienne s'étire de la Mauritanie jusqu'à la frontière entre le Tchad et le Soudan. Elle couvre une superficie aussi grande que le Canada, faiblement peuplée et semi-désertique. Plusieurs des États sahéliens nés des indépendances - Mauritanie, Mali, Niger, Tchad - sont caractérisés par la faiblesse des institutions, la pauvreté, l'instabilité politique et les conflits ethniques.

Ils subissent aussi les contrecoups des instabilités en Algérie, en Libye, au Soudan et en République centrafricaine. Cette immense région, qualifiée de ventre mou sécuritaire de l'Afrique par les experts, accueille d'ailleurs six opérations de paix de l'ONU, sans compter celles déployées dans les pays limitrophes de Côte d'Ivoire et du Liberia.

Les groupes terroristes de la région, nés dans les années 90 au cours de la guerre civile algérienne et mus par une interprétation radicale de l'islam, se sont greffés au contexte particulier du Mali, du Niger ou du Tchad, où des conflits irrésolus avec les Touaregs, par exemple, ont toujours fragilisé ces États, afin de promouvoir leur vision du monde, de réislamiser ses sociétés et de les purger de leurs éléments étrangers.

Ces groupes profitent aussi de ce que la zone sahélo-saharienne est devenue au cours des 20 dernières années un lieu de trafics en tout genre : drogue, armes, commerce illicite, immigration clandestine, enlèvements. Les systèmes sécuritaires - militaires, policiers, douaniers - et les gouvernements peinent à exercer un contrôle ou à réprimer le crime efficacement.

Dans un tel contexte, ces groupes peuvent frapper partout, même au Burkina Faso, afin de créer un effet de puissance et instiller la terreur au sein des populations et chez les autorités.

Dans la réalité, le champ de bataille se concentre là où les conditions le permettent et où les terroristes peuvent causer le plus de dégâts. C'est donc essentiellement dans le sud de l'Algérie, en Libye, au Niger, au Mali et dans le nord-est du Nigeria (avec Boko Haram) que se déroule l'essentiel de leurs activités criminelles.

DU TEMPS POUR AGIR

Au Sahel, comme en Irak et en Syrie, il faudra du temps pour neutraliser et détruire ces groupes terroristes. Les gouvernements locaux, les partenaires étrangers et les organisations internationales oeuvrent sur plusieurs fronts pour y parvenir. Les processus de paix et de réconciliation au Niger, au Mali et au Tchad donnent des résultats contrastés selon les pays. Au Mali, la mise en oeuvre des accords de paix à la suite de l'effondrement du gouvernement en 2012 et de la menace terroriste de janvier 2013 prend du retard et les populations du Nord se disent toujours oubliées des priorités gouvernementales. Au Niger, la situation semble se stabiliser.

Les contributions des partenaires étrangers et des organisations internationales en termes financiers, sécuritaires et politiques sont loin d'être négligeables. Les pays de la région coordonnent leurs actions et renforcent leurs différents secteurs de sécurité grâce à des financements substantiels. Des forces spéciales et des unités antiterroristes occidentales ainsi que quelque 60000 Casques bleus tentent tant bien que mal de prévenir des attentats et d'accompagner le dialogue politique et la reconstruction.

On le voit, la tâche de lutte antiterroriste et de stabilisation politique est immense et peut sembler décourageante. Elle est pourtant nécessaire, tant pour les populations du Sahel que pour la sécurité mondiale.

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