L'accouchement aura été douloureux. Un accord de paix sur l'Ukraine a été conclu hier matin à Minsk après une longue nuit de négociations.

Les quatre protagonistes réunis dans la capitale biélorusse - les chefs d'État russe, ukrainien, français et allemand - estiment que les parties au conflit ont fait les concessions nécessaires et que chacun repart satisfait sur l'essentiel.

Au premier coup d'oeil, l'accord semble répondre aux demandes de l'Ukraine. Sur le plan diplomatique, les quatre dirigeants réaffirment leur «plein respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine».

Sur le plan concret, l'accord de Minsk prévoit un cessez-le-feu dans quelques jours, le retrait des armes lourdes (russes, en particulier), des forces étrangères et des mercenaires (russes comme occidentaux), la création d'une zone tampon sur les lignes de front actuelles, le désarmement des milices, la réaffirmation de l'autorité de l'État ukrainien par le rétablissement des services en zones prorusses et par le contrôle de la frontière avec la Russie, et la mise en oeuvre d'une réforme constitutionnelle visant une plus grande autonomie des régions prorusses.

Enfin, même si cela n'est pas dans le plan de paix, l'Ukraine s'est vue accorder hier une aide de 40 milliards par le Fonds monétaire international et d'autres bailleurs de fonds, un geste visant certainement à dorer la pilule au président ukrainien.

L'accord doit maintenant être mis en oeuvre, et c'est ici que les difficultés commencent pour l'Ukraine. Ainsi, la réaffirmation du plein respect de son intégrité territoriale est un voeu pieux puisque ce territoire est déjà amputé de la Crimée et qu'une autre partie est de facto sous contrôle des prorusses.

Une zone tampon, pour longtemps

Ce nouveau grignotage du territoire ukrainien sera en plus consolidé par la création d'une zone tampon après le retrait des armes lourdes. En effet, pour la surveiller et éviter la reprise des combats, les deux parties n'auront d'autre choix que d'accepter le déploiement d'une force de maintien de la paix sur le modèle de celle qui patrouille depuis 40 ans la ligne verte à Chypre. Cette force a gelé le conflit chypriote en attendant que les négociations politiques aboutissent à la réunification de l'île. On parlera de l'Ukraine pour les 20 ou 40 prochaines années.

Retirer du matériel, surveiller une zone tampon, observer la frontière sont des tâches techniques relativement faciles à accomplir. Convaincre les coeurs et les esprits d'accepter et de mettre en oeuvre un règlement politique est une d'une autre nature. Comment en effet rétablir les services en zones prorusses sans y déployer les représentants de l'État ukrainien, avec le risque que cela comporte de frictions et d'affrontements? Comment réformer la Constitution afin de concéder plus de pouvoir aux régions prorusses tout en maintenant le caractère unitaire du pays? Comment, au bout du compte, faire accepter à tous que rien ne sera plus jamais comme avant en Ukraine?

Les dirigeants occidentaux, eux, veulent y croire, du moins, pour l'instant. «Il reste encore de gros obstacles», a dit la chancelière allemande Angela Merkel, «mais l'accord est un espoir et un soulagement», a renchéri le président français François Hollande.

Vladimir Poutine, de son côté, était encore plus positif. Pour lui, «on a trouvé un accord sur l'essentiel». Si le président russe s'est montré si satisfait, c'est bien parce qu'il a gagné. C'est dans sa zone d'influence, en Biélorussie, que les deux plus puissants dirigeants européens - Merkel et Hollande - sont venus négocier avec lui. C'est sur ses propositions que l'accord a été conclu. C'est lui, et il ne s'en gênera pas, qui soufflera le chaud et le froid sur sa mise en oeuvre.

Ce n'est pas une paix juste qui a été conclue hier, mais c'est la paix. Un moment à saisir pour l'Ukraine afin de se concentrer sur la reconstruction de son économie et de sa gouvernance.

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