Les médias occidentaux aiment fabriquer des histoires et y croire. Ainsi, selon eux, Vladimir Poutine était complètement isolé lors du sommet du G20 en Australie le week-end dernier. Rien de plus faux.

Le président russe a certes subi le feu nourri des critiques de certains pays occidentaux à propos de l'Ukraine, mais pas de tous. La France n'a pas haussé le ton. Et le G20, ce n'est pas l'Occident. L'autocrate du Kremlin y a encore beaucoup d'amis qui prisent de moins en moins recevoir des leçons de Washington ou de Londres sur une foule de questions internationales.

Poutine a donc quitté le sommet avec le sourire aux lèvres. C'est du moins ce qu'il a laissé paraître. Pourtant, les choses ne se sont pas très bien passées avec la chancelière allemande, Angela Merkel. Et là, c'est plus grave que de recevoir les remontrances de Stephen Harper.

Angela Merkel n'est pas du genre exubérant. Depuis le début de la crise ukrainienne, elle a toujours gardé un ton modéré, sinon conciliant, envers Poutine. Ils ont eu une quarantaine de conversations, car c'est elle qui gère le dossier ukrainien du côté occidental. Elle est la seule personne avec qui le président russe peut encore dialoguer sans que cela provoque des étincelles, du moins publiquement. Samedi, en Australie, l'atmosphère a changé.

La chancelière s'est enfermée avec le président pour une discussion de quatre heures. La longueur de la conversation n'a rien à voir avec l'interprétation simultanée. En effet, les deux dirigeants parlent aussi bien l'allemand que le russe: Merkel est originaire d'Allemagne de l'Est et a vécu sous occupation russe au moment même où Poutine y séjournait comme agent du KGB. Disons qu'ils partagent une expérience commune.

Selon la presse allemande, Merkel est sortie de l'entretien découragée. Elle a affiché ses sentiments lundi lors d'un discours prononcé à Sydney. Dépassant le cadre de la crise ukrainienne, la chancelière a parlé du comportement de la Russie en Europe. «Il se pourrait fort bien que la crise ukrainienne ne soit pas seulement un problème d'ordre régional», a-t-elle dit devant le Lowy Institute for International Policy. «Nous constatons dans le cas présent que la crise nous affecte tous.»

«L'Ukraine n'est pas la seule situation en cause», a poursuivi Mme Merkel. «La crise touche aussi la Moldavie, et la Géorgie. Si les choses continuent d'aller de la sorte, on pourra se demander: et qu'en est-il de la Serbie, qu'en est-il de l'ouest des Balkans? Voilà qui est assurément incompatible avec nos valeurs.»

Dialogue de sourds

Avant même le discours de Merkel, Poutine en a réfuté le sens pour livrer sa version de l'histoire des dernières années. Dimanche soir, en entrevue sur une chaîne allemande, il a rappelé que la Russie ne déployait pas de bases partout dans le monde, contrairement à l'OTAN, qui déploie les siennes à proximité des frontières russes.

Sur l'accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne qui a provoqué la crise, Poutine voulait un processus graduel. «Nous avons dit dès le début: écoutez, nous sommes pour, mais faisons-le graduellement, vu les problèmes réels qui risquent de surgir entre nous et l'Ukraine. Qu'est-ce qu'on nous a répondu? Cela ne vous regarde pas, occupez-vous de vos oignons», a-t-il dit. Alors, lorsque les Occidentaux ont voulu mettre la main sur l'Ukraine au début de l'année, Poutine a piqué une colère.

Merkel et Poutine ont tout autant raison que tort. On le voit, un dialogue de sourds est en train de s'installer entre les deux plus grandes puissances européennes. Mais dans cette relation, les Russes ont beaucoup à perdre, et Poutine est bien mal placé pour se fâcher avec Merkel. Si cela devait se confirmer, alors là, le président russe se verrait de plus en plus isolé.

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