Au moment où le gouvernement de Stephen Harper rend hommage cette semaine aux militaires canadiens ayant participé à la guerre en Afghanistan, plusieurs s'interrogent sur ce que le Canada y a accompli depuis douze ans. La question est légitime, mais elle ne trouve de réponse que si l'on considère l'apport de tous les pays impliqués.

Avant de dresser un bilan, nécessairement incomplet, il faut rappeler le contexte de la présence internationale dans ce pays. L'intervention en Afghanistan a commencé au lendemain du 11 septembre 2001, après le refus du gouvernement taliban de livrer Oussama ben Laden et ses complices.

Les objectifs de la première coalition, dirigée par les Américains, étaient très clairs: neutraliser Al-Qaïda, renverser les talibans et installer un gouvernement représentatif, et enfin, s'assurer que plus jamais l'Afghanistan ne puisse servir de base à d'autres attaques terroristes d'envergure. Ce volet militaire de l'action de la communauté internationale s'est poursuivi jusqu'aujourd'hui par l'entremise d'une opération antiterroriste et d'une opération civilo-militaire, la Force internationale et de sécurité en Afghanistan (FIAS), sous le drapeau de l'OTAN.

L'action internationale s'est aussi déployée dans les domaines de la reconstruction: politique, économique, sociale, éducative, médicale. Des dizaines de milliards de dollars ont été investis en Afghanistan pour sortir le pays d'un sous-développement chronique dans tous les domaines. Des élections ont eu lieu. Des forces de sécurité nationale sont en place.

La part du Canada n'a pas été négligeable. Quelque 40 000 militaires ont séjourné sur place et 160 sont morts aux combats. Au fil des ans, l'Afghanistan est devenu le plus important bénéficiaire de l'aide au développement du Canada, surpassant Haïti. Des millions d'enfants, surtout des filles, sont à l'école, autant de femmes et de nouveau-nés sont en meilleure santé. Des infrastructures ont été bâties. Une société civile, certes fragile, encouragée et appuyée.

Ce bilan est loin d'être médiocre, et ceux qui voudraient faire croire qu'il ne s'agit que de colle et de papier se leurrent. La société afghane, dans toutes ses composantes ethniques et religieuses, tirera quelque chose de cette présence internationale.

Cela dit, l'Afghanistan reste un pays désespérément pauvre où la production de drogue augmente sans cesse et reste une source de revenus considérable et convoitée. Malgré une élection présidentielle «propre», les seigneurs de la guerre demeurent les maîtres du jeu politique.

Le pays est loin d'être stabilisé, et les négociations avec les talibans donnent peu de résultats. Et même advenant un accord de paix, le conflit ne trouvera de solution que dans un contexte régional, car il est depuis longtemps imbriqué dans les dynamiques conflictuelles externes. Le Pakistan voisin est plongé dans une spirale de violence où insurrection talibane, rébellion sécessionniste au Baloutchistan et affrontements interreligieux dans les grandes villes, entre autres Karachi, fragilisent chaque jour un gouvernement civil sous surveillance militaire et dont la principale préoccupation est sa relation compliquée avec l'Inde.

De tout cela et de bien d'autres choses, l'Afghanistan est un acteur, mais surtout un spectateur souvent impuissant. Le nouveau président qui succédera à Hamid Karzaï dans les prochaines semaines aura fort à faire, d'autant plus qu'il ne sera pas le seul maître à bord. Les Américains resteront encore une dizaine d'années sur place et défendront bec et ongles leur façon de mener la guerre au terrorisme, une façon qui trouve de moins en moins d'appuis dans la région et même chez les alliés occidentaux.

L'Afghanistan doit être soutenu. Nous le devons aux Afghans et à tous ceux qui sont morts en leur venant en aide. La question est maintenant de savoir comment permettre à ce pays de sortir définitivement d'une histoire tragique.

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