Le Canada est dans l'oeil d'Al-Qaïda et l'a toujours été. Plusieurs de nos concitoyens l'oublient, particulièrement au Québec. Croire que nous échappons aux agissements de cette organisation et de ses affiliés relève de la pensée magique. La découverte d'un complot lundi ici même vient confirmer que le Canada est aussi un champ de bataille pour ce terrorisme islamiste.

Au lendemain du 11 septembre 2001, le Canada s'est joint à une vaste entreprise antiterroriste menée par les États-Unis et à laquelle à peu près tous les pays du monde adhèrent. Cette action comporte plusieurs volets et vise à détruire le réseau Al-Qaïda et ses affiliés. Le premier volet, essentiellement militaire, a engagé des dizaines de milliers de soldats étrangers en Afghanistan afin de renverser le régime taliban et de pourchasser les éléments djihadistes dans ce pays. Cette action tire à sa fin.

Le deuxième volet porte sur la répression du terrorisme sur le plan international. La coopération entre pays prend de multiples formes: contrôles bancaires accrus, échanges de données personnelles, captures et transferts de suspects, nouveaux passeports, abordages de navires, écoutes électroniques et surveillance satellitaire, lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, etc.

Le troisième volet se concentre sur les mesures antiterroristes nationales. Chaque État a renforcé et continue de renforcer (comme l'illustre la volonté du gouvernement Harper à faire adopter son projet de loi S-7 rétablissant des mesures tombées en désuétude depuis plusieurs années) leurs législations visant à augmenter la sécurité des édifices publics, des frontières et des infrastructures stratégiques et à surveiller les individus et les groupes suspects.

Le Canada participe pleinement à cette entreprise antiterroriste et ne s'en est jamais caché. L'ancien chef d'Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, l'avait bien compris. En novembre 2002, il s'en prenait directement au Canada. Dans un message adressé «aux peuples des pays alliés des États-Unis», il mettait en garde l'opinion publique de ces États contre «l'alliance entre leurs gouvernements et les États-Unis, pour nous attaquer en Afghanistan». Il citait nommément la Grande-Bretagne, la France, l'Italie, le Canada, l'Allemagne et l'Australie.

L'effet de ses paroles ne s'est pas fait attendre. Des complots terroristes émanant de l'Ontario et du Québec ont été démantelés alors que certains Canadiens ont rejoint l'étranger afin de commettre leurs méfaits.

Lundi, le ministre québécois de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron, déclarait qu'«il n'y a pas lieu de penser que le territoire du Québec est particulièrement visé» dans le complot éventé le même jour. Le ministre a raison, mais il ne faudrait pas que ses propos laissent entendre que nous sommes à l'abri d'une tragédie. Si, à ce jour, aucune bombe n'a explosé en territoire québécois ou canadien, ce territoire est largement utilisé comme base arrière pour la planification et l'exécution d'attentats terroristes à l'étranger. Des Canadiens ou des résidants étrangers au Canada ont été capturés ou tués lors d'actes terroristes, le plus récent s'étant déroulé sur un site gazier en Algérie où deux terroristes canadiens ont été tués.

Notre proximité géographique avec les États-Unis rend notre situation très délicate. Il ne faut pas oublier qu'au lendemain du 11 septembre, plusieurs politiciens américains avaient accusé le Canada d'être une passoire où les terroristes s'installaient afin d'entrer facilement aux États-Unis. Cette accusation a été rejetée. Toutefois, l'année dernière, le Service canadien de renseignement et sécurité révélait qu'entre 50 et 60 Canadiens avaient quitté le pays pour se livrer à des activités terroristes à l'étranger. Ces individus ont donc la nationalité canadienne et peuvent circuler librement et entrer aux États-Unis par les Caraïbes, l'Europe ou le Proche-Orient.

Depuis une décennie, nous l'avons échappé belle. Il n'en sera pas toujours ainsi. D'où notre devoir de vigilance.

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