Le nouveau chef de la diplomatie américaine, John Kerry, a amorcé cette semaine sa première visite officielle à l'étranger. Si le département d'État a mis l'accent sur l'étape européenne de sa tournée, c'est bien l'Asie, ce continent s'étendant de la Turquie au Japon, qui est et sera sa préoccupation pendant son mandat.

Les États-Unis estiment être «stratégiquement plus alignés que jamais avec leurs alliés européens», disait une source américaine. Washington a raison. Quel que soit le poids des pays émergents, l'Europe et l'Amérique du Nord dominent toujours les relations internationales, et les choses ne devraient pas changer dramatiquement dans les prochaines années.

Les relations entre les deux continents sont denses et tissées serrées. Elles ne butent sur aucun désaccord politique. Seule préoccupation, et elle est de taille, la situation financière du vieux continent. C'est suffisant pour justifier les arrêts de M. Kerry à Londres, Berlin, Paris et Rome.

Mais l'Europe est un continent pacifié. Ce n'est pas le cas de l'Asie où les points chauds sont nombreux et où les problèmes semblent insolubles. C'est là que peuvent éclater les grands conflits de demain.

Dès aujourd'hui, à Rome, Kerry fera face à la crise syrienne. La rencontre de 11 pays à laquelle il participe a failli être annulée faute d'un participant de taille: l'opposition syrienne. Celle-ci refusait d'y assister afin de dénoncer «le silence international sur les crimes» commis par Damas. Finalement, elle sera présente. Tout indique qu'elle n'obtiendra pas l'aide militaire réclamée tant les Occidentaux se méfient de cette coalition de colle et de papier et qui menace d'éclater, faisant ainsi le jeu du régime de Bachar al-Assad.

Sur le conflit israélo-arabe, Kerry prépare la visite en Israël et en Palestine du président Obama le 20 mars. On saura alors si le processus de paix avancera. L'Iran est une autre épine au pied de la diplomatie américaine. Les négociations internationales visant à mettre fin au programme nucléaire militaire iranien ont repris cette semaine au Kazakhstan. Cela dure depuis 11 ans, et personne n'entrevoit un accord bientôt.

Si la guerre en Afghanistan est pratiquement chose du passé pour les Américains, ces derniers doivent cependant rester vigilants dans cette partie de l'Asie. Les frictions entre le Pakistan et l'Inde, deux puissances nucléaires rivales, risquent d'augmenter au fur et à mesure qu'elles cherchent à augmenter leur influence en Afghanistan en raison du départ des troupes de l'OTAN.

Plus à l'est, l'Asie orientale est soumise à de fortes tensions. La Corée du Nord refuse de renoncer aux armes nucléaires malgré les condamnations répétées du Conseil de sécurité. Dans l'espace maritime entre la Chine, le Japon et les États du Sud-est asiatique, les querelles sur la souveraineté de quelques cailloux et les ambitions géopolitiques chinoises, souvent très exagérées par un fort lobby antichinois à Washington, font craindre le pire. «La mer de Chine en 2013 est-elle les Balkans de 1913», s'interrogeait récemment Kevin Rudd, ancien premier ministre australien. «Comme les Balkans il y a un siècle, l'environnement stratégique est complexe en Asie orientale. Elle est divisée par des alliances, des fidélités et des rancoeurs qui se chevauchent.» En 1914, un assassinat à Sarajevo a déclenché la Première Guerre mondiale, suivie vingt-cinq ans plus tard de la Deuxième.

Le pire n'est jamais certain, mais force est de constater que l'Asie est une zone à risques. Chaque point chaud a ses particularités et ses dynamiques propres et doit être géré avec doigté. John Kerry va s'en rendre compte au fur et à mesure qu'il traversera ce champ de mines.

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