Il est triste de constater que la majorité des Québécois réagissent très mal à l'accueil des réfugiés. Cette cause est exceptionnelle, sans précédent dans notre histoire. Dans le passé, les Québécois ont pourtant montré une grande générosité à l'égard des « boat people » vietnamiens et des Haïtiens. Comment en sommes-nous arrivés là ?

LE PROBLÈME DE LA SÉCURITÉ

Les réfugiés sont en grande majorité des musulmans, parmi lesquels se trouvent probablement des orthodoxes, comme il s'en trouve déjà au Québec. Des terroristes en puissance ? Comment savoir ? On ne peut ici que spéculer et à partir de données bien minces, dont certaines sont apparemment fausses - je pense notamment à ce terroriste qui se serait infiltré en France au milieu de réfugiés.

Il serait imprudent de ne pas poser la question de la sécurité. Tout comme il serait inacceptable de ne pas l'examiner rationnellement. Ce que l'on sait, c'est que ces immigrants fuient un régime de terreur et qu'ils s'imposent une marche périlleuse pour atteindre, après des semaines, une terre plus sûre. Pourquoi des terroristes bien financés qui ne semblent pas éprouver de grande difficulté à voyager par avion s'imposeraient-ils un tel calvaire ?

On sait aussi que les réfugiés appelés à venir au Québec, composés en très grande majorité de familles, sont bien connus, étant établis depuis longtemps dans des camps. Le risque de terrorisme n'en paraît que plus négligeable. Est-il absolument inexistant ? Mais qui pourrait fournir une telle garantie ? Le même risque n'existe-t-il pas au sein des dizaines de milliers d'immigrants (dont plusieurs sont musulmans) que le Québec reçoit chaque année ? Pourquoi faudrait-il refuser d'un côté ce qu'on accepte de l'autre ?

L'ENTÊTEMENT DE M. TRUDEAU

Pourquoi cette obstination à recevoir 25 000 réfugiés dans un délai jugé irréaliste par un grand nombre de responsables et de professionnels ? Cet entêtement est d'autant plus difficile à comprendre que le premier ministre ne montre nul empressement à fournir des précisions sur la logistique et le financement de l'opération, laissant ainsi les dirigeants provinciaux dans une grande confusion.

Cette situation crée aussi beaucoup d'incertitude et de mécontentement dans la population. Dès lors, comment les choses vont-elles se passer lorsque, dans les mois qui viennent, M. Trudeau va annoncer la suite des opérations, c'est-à-dire l'arrivée d'une nouvelle vague de dizaines de milliers de réfugiés ?

Car il est inévitable que, si le Canada doit faire sa juste part, un afflux considérable est à prévoir dans les prochaines années.

En voulant hâter les choses sans bien préparer le terrain, sans se soucier suffisamment de rassurer la population, on risque simplement de créer un effet boomerang.

LE FOUILLIS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Nos représentants à Québec n'ont pas fait mieux. Le dossier des réfugiés est maintenant empêtré dans des procès de xénophobie. En même temps, les ministres responsables du dossier se font rabrouer publiquement par M. Couillard. Tout le monde y perd sa crédibilité.

L'IRRESPONSABILITÉ DES MAIRES

À ce chaos s'ajoute le comportement décevant des maires de Montréal et Québec. Au lieu de calmer le jeu en replaçant le débat sur ses données essentielles, l'un se fait tout à coup bien discret, tandis que l'autre jette de l'huile sur le feu. Tout cela est bien triste.

L'ENJEU

On semble oublier ce qui est en jeu : une tragédie d'une rare ampleur qui décime une population innocente et la voue à un destin des plus incertains. Devant cette réalité brutale, les intérêts quotidiens, les réticences causées par une peur exagérée, les querelles partisanes, les calculs à courte vue, tout cela devrait s'effacer, au moins pour un temps.

La question des réfugiés transcende toutes les autres. Car elle fait appel à la dignité humaine. Si l'idéal de fraternité a un sens, c'est bien ici qu'il devrait se manifester. Lorsque cette crise sera résorbée, les Québécois auront beaucoup mal à leur mémoire s'ils ont le sentiment de ne pas avoir été à la hauteur.

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