Je ne suis pas un expert en économie, encore moins en finances publiques. Ce que je présente ici, ce sont les questions d'un profane qui, comme bien d'autres citoyens peut-être, arrive difficilement à comprendre la logique des politiques d'austérité.

Par exemple, comment se fait-il que ces politiques soient présentement préconisées par nombre d'analystes très compétents et rejetées par autant de sommités mondiales (dont plusieurs prix Nobel d'économie)? Comment expliquer que les experts n'arrivent même pas à s'entendre sur la façon d'évaluer la dette d'un État?

Ce que je crois comprendre, c'est qu'il y a plusieurs façons d'estimer la dette du Québec selon qu'on tienne compte, ou non, de facteurs tels que:

- Les actifs de l'État (Hydro-Québec et Loto-Québec, par exemple);

- Les dettes accumulées par les organismes publics ou parapublics (municipalités, hôpitaux, institutions d'enseignement...);

- La part imputable au Québec dans la dette fédérale;

- Le déficit des régimes publics de retraite, etc.

C'est là une grande source de confusion dans les comparaisons. Les évaluations restreintes (qui n'incluent pas tous ces facteurs) situent le niveau de notre dette autour de la moyenne des sociétés industrialisées et même en deçà. On ne devrait donc pas s'inquiéter. Mais les évaluations intégrales la situent au-dessus de cette moyenne. Ce sont celles-là qui inspirent les appels pressants à l'austérité. Le critère principal serait le suivant: plus le niveau de la dette s'approche du niveau du produit intérieur brut (PIB) annuel, plus on est près de la zone critique.

Selon les évaluations pessimistes, le Québec n'y serait pas encore mais il s'en rapprocherait. Cela dit, mesurée de cette façon, sa dette est encore inférieure à celle de pays comme le Japon, les États-Unis, la Belgique, l'Irlande, la Grande-Bretagne ou la France. La situation ne serait donc pas vraiment critique, sauf que si la dette continuait de croître au rythme actuel, nous entrerions bientôt dans une zone de fortes turbulences.

Quoi qu'il en soit, il paraît raisonnable de vouloir freiner l'augmentation de la dette, ne serait-ce que pour diminuer le coût croissant de nos emprunts (11 milliards, cette année). Néanmoins, plusieurs questions se posent. Par exemple:

- Le gouvernement a-t-il expliqué pourquoi il faut procéder aussi vite et aussi durement? Est-ce l'échéance électorale ou les vrais intérêts des Québécois qui ont priorité?

- Y a-t-il un plan, un échéancier? Chaque ministre semble improviser, ajoutant à l'image d'incohérence de l'ensemble.

- A-t-on calculé les effets sur l'économie de la ponction monétaire entraînée par les coupes?

- Tient-on compte des coûts sociaux à court et à long terme (chômage, délinquance, décrochage scolaire, détérioration des indices de santé, etc.)?

- Mesure-t-on les effets économiques du climat d'insécurité qui s'installe?

- Le gouvernement a-t-il une stratégie de relance de l'économie?

- En 1998, les Québécois ont vécu une expérience douloureuse de rééquilibrage budgétaire. Depuis, l'indiscipline des gouvernants en a annulé les bénéfices. Allons-nous vivre le même scénario?

Selon plusieurs économistes, c'est quand l'économie va bien qu'il faut s'attaquer au déficit. Quand elle va mal, il faut lui injecter des capitaux. C'est ce que les États-Unis ont fait massivement après 2008; on connaît les résultats. De l'autre côté de l'Atlantique, les pays de la zone euro ont misé sur l'austérité; la majorité d'entre eux arrivent mal à se relever de la crise. Par exemple, selon le prix Nobel d'économie et chroniqueur au New York Times, Paul Krugman, l'économie française ne se portait pas si mal jusqu'à récemment. Elle s'est détériorée depuis l'adoption de politiques d'austérité.

En somme, on comprendrait que le gouvernement Couillard fasse un sérieux émondage dans l'arbre budgétaire, mais on a parfois l'impression que le tronc lui-même est en péril.

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