La recherche sur la diversité ethnoculturelle a consacré beaucoup d'attention aux problèmes des minorités: le respect des droits, les stéréotypes, la discrimination, l'exclusion, et le reste. Cette priorité était nécessaire (et l'est toujours): les immigrants et les minorités sont des sous-populations très vulnérables.

Mais il presse aussi de mieux connaître les majorités culturelles. En matière de gestion de la diversité, les résistances au pluralisme et à la justice sociale s'enracinent ordinairement au sein des majorités. Ces résistances sont parfois fondées - par exemple, quand la diversité est porteuse de terrorisme. Souvent aussi, elles épousent des formes bénignes, inspirées par le malaise familier que suscite l'étranger.

Il arrive aussi que, cédant à des peurs irrationnelles, ces résistances prennent des formes démesurées, sans rapport avec la réalité. Elles alimentent alors des prises de position extrêmes qui, faisant fi de la raison et du bon sens, conduisent à violer les droits des minorités. Ce phénomène, qui relève des mythes et des imaginaires collectifs, doit être mieux étudié.

Évitons toutefois un malentendu. On aurait tort de voir dans cette proposition l'initiative arrogante d'une élite universitaire paternaliste. Il s'agit simplement de défendre des droits en combattant chez certains citoyens des perceptions nocives, non fondées, sources d'exclusion, de division et de discrimination.

La scène québécoise

Le débat sur la Charte des valeurs ainsi que les actes terroristes qui viennent d'être commis à Saint-Jean et à Ottawa ont provoqué l'expression de ce genre de perceptions. Elles sont venues du vox populi, mais aussi de citoyens éminents appartenant au milieu intellectuel.

Ce genre de perceptions reflète une conception de la nation qui a connu son âge d'or mais qui est maintenant en déphasage avec la société dans laquelle nous vivons. L'idée d'une nation homogène soudée par les liens du sang, qui se reconnaît dans une identité monolithique et voit dans la diversité une menace à éradiquer, a fait son temps.

On se rappellera toutefois que ce ne sont pas les classes populaires qui ont façonné cette vision de la nation; ce sont plutôt des intellectuels qui l'ont construite au XIXe siècle et l'ont diffusée par le biais de la religion, de l'école, des médias, de la littérature, etc. Ce qu'on observe aujourd'hui, il est utile de le rappeler, ce sont des vestiges d'une entreprise d'acculturation orchestrée par les élites elles-mêmes.

Tout cela appelle une meilleure compréhension de la culture des majorités, d'abord à cause de la domination qu'elles sont susceptibles d'exercer sur les minorités, mais aussi à cause du risque de dérives, toujours présent.

L'autre face des majorités

Cela dit, les majorités culturelles ont aussi des droits que les minorités doivent leur reconnaître. Pour se perpétuer et se développer, toutes les sociétés doivent pouvoir s'appuyer sur un corpus de valeurs, d'idéaux et de traditions. Elles peuvent ainsi créer des consensus, se mobiliser autour de grandes orientations et résoudre leurs conflits. Ce fondement symbolique, qui nourrit également l'identité collective, doit donc être protégé. Or, il se trouve que, dans toute société, il a été élaboré principalement par la majorité au cours de son histoire.

Conséquemment, le pluralisme autorise à sauvegarder plusieurs traits de la culture majoritaire: la langue, les valeurs fondamentales (conformes au droit), la mémoire, mais aussi des rituels politiques, des symboles religieux, des traditions institutionnelles. Ils doivent cependant servir le fondement symbolique de l'ensemble de la société et non seulement la culture majoritaire.

Il y a ici un équilibre délicat à établir qui fait appel à la vigilance, à la prudence et à l'équité.

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