En début d'année, une réforme particulièrement injuste et cruelle du régime d'assurance-emploi entrait en vigueur. La colère des régions comptant un fort contingent de travailleurs saisonniers et précaires n'a pas ébranlé le gouvernement Harper. Pas plus que la dénonciation votée unanimement par l'Assemblée nationale du Québec, province qui regroupe 40% des travailleurs saisonniers au pays et risque de surcroît de voir son budget d'aide sociale échopper.

Cette réforme est odieuse parce qu'elle frappe de plein fouet les travailleurs vulnérables et les régions aux prises avec de sévères problèmes d'emploi. Cette indifférence est d'autant plus choquante, qu'elle rappelle les douloureux souvenirs de l'inertie du fédéral alors que la crise forestière sévissait dans nombre de ces communautés.

Sur le fond des choses, qu'en est-il au juste de cette réforme? De tout temps, le régime d'assurance-emploi a comporté l'obligation d'être disponible et en recherche active d'emploi. Toutefois, cette recherche était balisée par la définition de ce qu'est un «emploi convenable», au sens de la Déclaration universelle des droits de l'homme. C'est cet équilibre qui est maintenant remis en cause.

Pour la première fois, la loi établit trois catégories de chômeurs avec des droits différents, selon qu'il s'agisse de travailleurs saisonniers, de travailleurs réguliers de longue date ou encore de chômeurs occasionnels. La nouvelle loi rogne sur les droits fondamentaux des chômeurs saisonniers en les forçant à rechercher un emploi en dehors de leur champ d'expertise, un emploi beaucoup moins rémunérateur, voire même à distance appréciable de leur lieu de résidence. Cela génère des coûts et ajoute aux difficultés de conciliation travail-famille.

Dans le passé, on a pu voir la durée des prestations varier en fonction des taux régionaux de chômage. Cette approche pouvait se justifier dans une perspective d'équité. Jamais, cependant, aucun gouvernement n'avait osé s'attaquer au droit de chacun des chômeurs d'occuper un emploi convenable pour bénéficier du régime. C'est à ce droit fondamental que s'en prend cette réforme déposée dans le cadre de la loi mammouth C-38. Quel abus quand on constate que ces amendements n'ont rien à voir avec le budget fédéral!  En effet, depuis 1990, le gouvernement ne met plus un sou dans la caisse d'assurance-emploi, qui ne repose que sur les contributions des employeurs et des travailleurs.

Qu'on ne se méprenne pas, cette réforme ne s'attaque pas aux disparités régionales, ni aux problèmes de formation et d'employabilité. Elle s'en prend aux chômeurs, comme si c'était eux qui étaient responsables de la structure industrielle d'une région! Ce n'est pas en appauvrissant les travailleurs qu'on développe des économies régionales fortes, ni qu'on consolide l'occupation du territoire. Pas étonnant, dans ce contexte, que l'opposition à la réforme rejoint non seulement les travailleurs, mais aussi les employeurs et les chambres de commerce des régions concernées!

Certes, le développement régional relève des provinces. Toutefois, le fédéral dispose d'énormes pouvoirs en matière de développement économique dont se réclame abondamment le gouvernement Harper. Pire encore, le gouvernement fédéral a une marge de manoeuvre de plus de 200 millions de dollars à même la caisse de l'assurance-emploi pour améliorer les programmes de formation professionnelle qu'il refuse d'utiliser en rêvant de baisses de cotisations!

La loi de l'assurance-emploi était déjà considérablement affaiblie depuis seulement un travailleur sur deux pouvait avoir accès au programme. Les nouveaux reculs ne cherchent qu'à la rendre encore plus caduque. La résistance se poursuit. Espérons qu'elle viendra à bout de cette loi inique.

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