La dissociation, chez l'espèce humaine, entre les fonctions reproductives et l'activité sexuelle serait à la base de la naissance du grand sentiment que nous appelons l'amour. Une émotion qui est plus difficile à mettre en évidence chez les espèces où l'accouplement sert uniquement à faire des petits.

Ce lien affectif, qui porte en lui seul le paradis et l'enfer, nous pousse à vouloir toucher, embrasser, sentir et regarder, parce que le corps humain est érotisme pour tous ceux qui veulent bien prendre le temps d'explorer. Cette sexualisation du corps au-delà des parties génitales serait, selon Pascal Picq, à l'origine de l'invention des vêtements. Ce pape français de la paléoanthropologie pense même que l'érotisation du corps serait à la base de la culture et aurait nourri tous les arts, dont l'habillement, les parures, les maquillages, les danses, etc.

Nous sommes aussi l'un des rares animaux à faire du sexe à l'abri du regard de nos semblables. Une intimité qui nous aurait incités à prendre plus notre temps; à faire monter la vinaigrette et durer le plaisir; à développer ces célébrations amoureuses où les préliminaires sont aussi importants que la conclusion; à intellectualiser notre sexualité; à la codifier et faire de l'amour une histoire de coeurs qui se contractent à la même cadence.

À cause de son caractère extraverti, qui l'amène à se manifester à la moindre occasion, et parce que le grand sentiment lui fait battre la chamade, le coeur a toujours été considéré comme le siège incontestable de l'amour. Pourtant, le siège de l'amour se trouverait en première ligne dans le cerveau, plus spécifiquement dans le système limbique, qui héberge les centres de contrôle de nos émotions. Mais étant donné que le système limbique est une structure anatomique trop laide pour être représentée sur des cartes de Saint-Valentin, les romantiques ont poussé, et imposé à l'humanité, la candidature du coeur comme symbole de l'amour.

La flamme tant convoitée ne prend dans le coeur que lorsque des élixirs d'origine cérébrale aux noms très poétiques comme la phényléthylamine (PEA), la dopamine, la vasopressine et la sérotonine produisent d'abord l'étincelle catalytique. La PEA entraînerait par exemple une euphorie comparable aux sensations engendrées par certains sports extrêmes comme la chute en «bungee» ou en parachute. Donc, bien avant la physiologie, la sagesse populaire avait raison de penser qu'on «tombait» amoureux. Par ailleurs, on a trouvé de la PEA dans le chocolat. C'est peut-être pour cette raison que les peines d'amour poussent les femmes dans les bras de cette douceur omniprésente en cette fête de la Saint-Valentin.

Si, comme biologiste, j'ai longtemps pensé que le coeur n'était qu'une vulgaire pompe qui avait plus à voir avec le sexe qu'avec l'amour, je le crois aujourd'hui beaucoup plus impliqué. Il est en effet scientifiquement prouvé qu'une peine d'amour intense peut provoquer une déchirure cardiaque. C'est un phénomène qui porte plusieurs dénominations, dont la cardiomyopathie de tako-tsubo, ou le syndrome du coeur brisé. Cette affection très rare peut être engendrée par une grosse peine d'amour ou un deuil intense. Elle se traduit par des douleurs comparables à des coups de poignard dans le ventricule gauche, qui prend alors la forme d'un tako-tsubo, qui est un pot traditionnellement utilisé au Japon pour pêcher la pieuvre. Comme quoi la sagesse populaire avait aussi raison de penser que les coeurs pouvaient se briser.

Je dois, pour terminer, vous avouer que si j'ai écrit cette chronique en cette fête de l'amour, c'est surtout pour redire ceci à l'élue de mon système limbique: «Caroline, je suis si bien et confortable dans ton coeur que le briser serait suicidaire pour moi!»

Ah oui! je voulais aussi vous souhaiter une belle Saint-Valentin à tous.

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