Pour lutter contre l'intégrisme, je propose dans un premier temps de bannir le mot « fan » de notre vocabulaire.

Je sais que ça n'ébranlera probablement pas les radicaux, mais j'ai toujours boudé ce raccourci langagier qu'on entend les artistes lancer dans les médias pour parler de leurs admirateurs. Son utilisation me tique encore plus en ces années de retour du fanatisme, toutes religions confondues. Évidemment, je sais que ceux qui l'utilisent ne le prennent jamais sous cet angle, mais plus qu'un adulateur, un fan est par définition un adorateur, donc une sorte d'intégriste au service d'un gourou de la scène. J'espère aussi que mes fans adorés ne m'en voudront pas trop.

Pour lutter contre l'intégrisme, je propose dans un deuxième temps d'adopter le vocable philamatologique. La philamatologie, c'est la science du baiser, ce geste de rapprochement qui reste une des façons les plus efficaces de pacifier les hommes possédés par la testostérone. Il y a quelques semaines, je discutais avec un ami de Rimouski au sujet des jeunes qui vont se faire tuer en Irak, quand son fils de 17 ans, qui tenait son amoureuse dans ses bras, nous a assuré qu'il aimait trop la vie pour se laisser embrigader dans des histoires semblables. Une réponse typique d'un jeune qui a découvert l'impact du baiser d'une personne aimée sur l'envie de célébrer l'existence.

Le baiser, cette manifestation universelle du grand sentiment, provoque une augmentation de la sécrétion de l'ocytocine, qui solidifie les liens affectueux et attendrit les hommes. Il diminue les hormones de stress et favorise la sécrétion d'un cocktail moléculaire incluant des médiateurs de la bonne humeur et de la soif de célébrer la vie avant la mort. Fort de cette vérité physiologique, je crois qu'une des façons de pacifier les jeunes hommes est d'accepter de les voir s'embrasser.

Quand le simple fantasme mène à l'autoflagellation et que toute manifestation ostensible de la libido est criminalisée chez une jeunesse déjà fragilisée par l'exclusion, les problèmes ne sont pas loin. Tous ces soi-disant vertueux décideurs politico-religieux qui réprimandent le simple baiser entre deux ados par la prison sont assis sur des volcans qu'ils pensent faussement éteints. Dans un bouquin intitulé La révolution du plaisir, l'auteure et chroniqueuse d'Al-Jazeera, Shereen El Feki, a bien exploré la corrélation positive entre cette frustration sexuelle mal canalisée et la révolte explosive des jeunes pendant le Printemps arabe.

Autrefois ignorés en temps de paix, les adolescents étaient adulés en temps de guerre pour leur insouciance, leur goût du risque et leur sentiment d'invulnérabilité causé par une maturation incomplète du cerveau qui en fait depuis toujours une belle chair à canon. Pour la même raison, quand j'étais jeune, il fallait une fois par année castrer les jeunes zébus mâles pour éviter les bagarres parfois mortelles entre eux et le mâle dominant de notre troupeau. Il paraît même que les taureaux qu'on a longtemps frustrés sexuellement sont souvent les plus violents dans une corrida.

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Tout ce chemin pour en arriver à ma troisième et plus réaliste suggestion en disant simplement que dans cette initiative du gouvernement du Québec contre la radicalisation et impliquant des imams et des leaders communautaires, la présence de Fatima Houda-Pepin aurait été des plus pertinentes. Passer l'éponge et la ramener dans ce dossier, qui a toujours été son cheval de bataille, aurait été une belle façon de faire de la politique autrement. En d'autres termes, réinclure celle qui a été exclue d'un débat pour la mise en place d'une politique d'inclusion aurait été raccord. En plus, si elle était là, elle apprendrait probablement à M. Couillard que ceux qui dérangent véritablement ne viendront jamais à ce type de rendez-vous, car s'ils tendent la main, c'est pour mieux vous tordre le bras.

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