Même s'il déteste l'idée que l'un de ses films puisse être vu sur un téléphone intelligent, Patrice Leconte a accepté de présider le jury du 13e Mobile Film Festival, dont la formule se résume à un concept très simple: un téléphone, une minute, un film.

«On m'avait déjà approché il y a quelques années, mais j'ai toujours refusé jusqu'à maintenant, car je suis contre ce genre de festival! a lancé le réalisateur des Bronzés lors d'une conférence de presse tenue samedi dans le salon Lumière de l'hôtel Scribe, l'endroit même où les frères Lumière ont organisé la toute première séance de cinéma, en 1895.

«Puis, je me suis rendu compte que ce combat est d'arrière-garde, car tous les moyens sont bons pour apprendre à faire du cinéma. L'important est de s'exprimer par l'image. Cela dit, je déteste les iPhone. Dans le métro, ça m'énerve de voir des gens regarder des longs métrages sur des téléphones. J'espère ne jamais surprendre quelqu'un en train de visionner un des miens là-dessus!»

Du vrai cinéma

Des 1055 petits films soumis au comité de sélection, dirigé par Bruno Smadja, 50 d'entre eux, venus de 23 pays, ont été retenus. Cette sélection sera annoncée mardi. À compter de cette date, le 30 janvier, les films pourront être visionnés en ligne jusqu'au 27 février. Patrice Leconte explique qu'il y a, dans ce panorama, du vrai cinéma.

«J'ai changé de point de vue sur ce festival après avoir vu certains des films qui ont été sélectionnés, vraiment formidables, explique-t-il. Ces films sont réalisés par des créateurs qui arrivent à s'exprimer par l'image en une minute en utilisant des concepts originaux, très cinématographiques. Ce qui me frappe, et qui m'enchante, est de constater que ces films ont été tournés avec un téléphone!»

«À condition d'avoir un peu de talent, n'importe qui peut ainsi s'exprimer par l'image. S'il avait eu ce genre d'appareil à son époque, qui sait si Orson Welles ne l'aurait pas utilisé?»

Il n'est cependant pas question que Patrice Leconte se laisse aller à produire son prochain film sur un smartphone. Mais s'il en était au début de sa carrière, il y verrait peut-être une belle occasion de faire ses premiers pas. Le Mobile Film Festival a d'ailleurs révélé Morgan Simon en 2011, un jeune cinéaste qui, cinq ans plus tard, a tourné Compte tes blessures, un premier long métrage dont les têtes d'affiche sont Kévin Azaïs et Monia Chokri.

«Je pourrais être tenté, bien sûr, car la création naît parfois des contraintes qu'on nous impose, fait remarquer le réalisateur du Mari de la coiffeuse. Si j'étais plus jeune, je participerais sans doute à ce festival. Car il peut permettre d'accéder ensuite au long métrage.»

L'expression du talent

En théorie, cette démocratisation a fait en sorte que tout utilisateur de téléphone intelligent peut désormais s'improviser cinéaste, mais Patrice Leconte estime que l'outil n'est en rien garant du talent d'un créateur.

«Je ferais la comparaison avec l'écriture, souligne-t-il. À l'époque où il n'y avait que la forme manuscrite, les gens écrivaient moins qu'aujourd'hui. À partir du moment où les ordinateurs et les traitements de texte sont arrivés, avec leurs pages toutes propres, bien des gens se sont imaginé qu'ils pouvaient devenir écrivains. Évidemment, c'est faux. Avec le cinéma, c'est pareil. Ce n'est pas parce que c'est devenu plus facile techniquement que tout le monde sera demain un grand cinéaste. Dans les petits films qu'on nous a montrés, il y a cependant des gens qui ont tout le potentiel pour le devenir.»

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Le 13e Mobile Film Festival se tiendra du 30 janvier au 27 février.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.