Joël Legendre a été la voix de Leonardo DiCaprio pendant plusieurs années. C'est lui qui a notamment travaillé sur Romeo +Juliet, The Great Gatsby, Inception, Aviator et, bien entendu, Titanic.

Il y a 20 ans, vous doubliez Titanic. Aviez-vous l'impression que ce film serait un succès?

Oh que non! Il faut comprendre que nous avions commencé à travailler avant que le film soit terminé. Il n'y avait pas d'effets spéciaux, pas d'animation [images de synthèse], pas de musique. Et sans ça, ça faisait un peu chenu, un peu cucul. La scène où ils sont accrochés sur le bateau et qu'ils coulent, c'était franchement très laid. Lorsque j'ai vu la version finale, c'était complètement autre chose, beaucoup mieux.

Qui doublait Kate Winslet?

Christine Bélier, qui vit en France maintenant. Son père faisait du doublage, donc elle avait commencé très jeune à en faire. Pas moi, ça faisait juste deux ans que j'en faisais; j'étais loin d'être un vétéran. C'était bien de travailler avec elle, parce que j'apprenais le métier. Et nous étions entre les mains de Jean-Pierre Brosseau, un très grand directeur. C'est lui qui avait traduit le film et qui nous dirigeait.

Gardez-vous de bons souvenirs de ce doublage?

Oui, je me souviens que Jean-Pierre trouvait que nous n'avions pas assez froid pour la scène du radeau. Il trouvait que ça se sentait dans nos voix qu'il ne faisait pas froid. Il a donc fermé le chauffage, nous nous sommes mis en t-shirt et nous nous mettions de la glace sur les lèvres pour avoir vraiment les lèvres gelées. Il était vraiment brillant, ce directeur.

Quand avez-vous commencé à doubler Leonardo DiCaprio?

Pour Basketball Diaries, il y a eu de grosses auditions pour savoir qui doublerait Leonardo. Jean-Pierre m'a choisi, parce qu'il disait que j'avais la même texture de voix que DiCaprio. À propos de sa voix, je dirais qu'en vieillissant, il a plus de «crunch» maintenant. Je dois faire des exercices de voix avant de commencer pour écorcher ma voix, l'abîmer un peu. Ce que je n'avais pas à faire au début de sa carrière.

Comment décririez-vous le jeu de Leonardo DiCaprio?

C'est un acteur extraordinaire, très intense. Lorsque tu doubles le même acteur pendant quelques années, tu finis par bien connaître ses tics. Par exemple, Léo appuie beaucoup sur ses «f». S'il dit «fire» ou «the f word», il va d'abord se mordre les deux lèvres pour ensuite garrocher son mot. C'est sa manière d'être intense. Mais même si dans ce cas-ci, il est trop articulé, il peut aussi marmonner de manière presque inaudible. Ça arrive quand ses personnages virent fous, comme dans Aviator ou The Great Gatsby. Il se met à marmonner et il est presque ventriloque. Ce qui n'est pas facile à doubler, parce que nous ne pouvons pas juste marmonner les paroles. Il faut que ce soit clair, sinon les spectateurs vont penser que nous avons oublié de doubler des parties du film.

Quel est votre film préféré de Leonardo DiCaprio?

Roméo et Juliette! Tout le texte en alexandrins, même pour la version française, c'était génial. C'était tout un défi d'acteur. C'était comme si je jouais Roméo pour vrai. J'ai passé plusieurs jours à répéter le texte avec Jean-Pierre avant de rentrer en studio de doublage, parce que sinon, je n'aurais pas réussi à le faire.