Luc Besson a 58 ans. Il a donc eu une enfance que certains qualifieraient d'un autre âge. «Nous n'avions pas de télévision à la maison, et quand nous en avons eu une, il n'y avait qu'une chaîne. Pas de jeux vidéo ni de console, pas d'internet ni de réseaux sociaux.» Oui, cette époque a existé, et il existe des gens pour en témoigner!

Bref, à 10 ans, celui qui allait devenir le réalisateur de Nikita, du Grand bleu et de Fifth Element décollait une fois par semaine en plongeant dans la revue Pilote, où il dévorait les pages de Valérian, bande dessinée du scénariste Pierre Christin et du dessinateur Jean-Claude Mézières dont la publication a commencé en 1967.

Il en existe maintenant 27 albums. Luc Besson les a tous lus. Plus d'une fois. 

«C'était une fenêtre sur l'imaginaire, sur l'espace. C'était ouvert sur la beauté, la sensualité. Et je suis tombé complètement amoureux de Laureline.»

Un univers précieux, donc. Pour lui. C'est l'une des raisons qui l'ont fait hésiter à mettre en chantier Valerian and the City of a Thousand Planets qui, paradoxalement, est le long métrage dont il rêve depuis toujours.

«Ce sont MES souvenirs d'enfance. Il y avait quelque chose... non pas de sale, mais de désagréable dans l'idée d'en faire un film parce que, du coup, ils ne seraient plus miens seulement», a noté le réalisateur lors d'un passage éclair à Montréal, en juin, où il avait une rencontre avec l'équipe de Rodeo FX. La boîte montréalaise, avec qui il a déjà travaillé sur Lucy, s'est chargée «de tous les effets spéciaux mécaniques : la Station Alpha, les vaisseaux, etc.» du long métrage doté d'un budget de 180 millions (ce qui en fait le film le plus coûteux jamais produit en Europe).

L'américaine ILM (Star Wars) et la néo-zélandaise Weta (The Lord of the Rings, Avatar) ont aussi été de la partie pour créer un monde pluriel peuplé d'humains et d'extraterrestres. «Il y a 2734 plans avec effets spéciaux dans Valerian. Il y en avait 188 dans The Fifth Element», résume Luc Besson. Là se trouve l'autre raison expliquant que ce film n'a pas vu le jour plus tôt: il était impossible à réaliser avec la technologie existante.

Avatar: le game changer

Survint alors Avatar. En 2009. «Je me suis engouffré derrière James Cameron!» pouffe Luc Besson, qui avait acquis les droits d'adaptation de la bande dessinée après que, sur le plateau de The Fifth Element, Jean-Claude Mézières, qui collaborait au projet, lui a dit: «Mais enfin, pourquoi tu ne fais pas plutôt Valérian?!»

Même si la mission semblait toujours impossible - «Dans ma tête, cet univers, c'était deux humains et 1 million de monstres!» -, le réalisateur s'était mis à l'écriture d'un scénario. «Que j'ai jeté quand j'ai vu Avatar. James Cameron avait placé la barre à un autre niveau.»

Inspiré par le 6e tome des aventures de Valérian et Laureline, L'ambassadeur des ombresValerian and the City of a Thousand Planets suit les deux agents spatio-temporels dans une mission qui se déroule sur 24 heures. Compagnons d'aventure et (peut-être) de vie, le major Valérian (Dane DeHaan) et le sergent Laureline (Cara Delevingne) doivent (encore une fois) sauver le monde... et se sauver eux-mêmes, dans une enquête qui leur fera croiser la route du Commander Filitt (Clive Owen), d'une «métamorphe» d'exception (Rihanna) et de son mac (Ethan Hawke), ainsi que de créatures aux formes, couleurs, moeurs et façons les plus variées s'exprimant avec les voix de John Goodman, Elizabeth Debicki, etc.

«Il y a ici la petite histoire, et la grande. La petite histoire, c'est celle de ces deux agents qui ressemblent à des représentants de l'ordre d'aujourd'hui, sauf qu'ils vivent au XXVIIIsiècle. Il est amoureux d'elle, elle ne le croit pas trop, mais elle l'aime aussi, ils se taquinent, ils se soutiennent. Et ils ont une mission à remplir. La grande m'a été inspirée par l'arrivée en Irak des troupes américaines, françaises et autres parce qu'il y avait là des armes de destruction massive... que personne n'a jamais trouvées. Alors, pourquoi ce débarquement? La mission de Valérian et Laureline est de trouver la réponse à une question semblable.»

Fleurent ici les thèmes de l'écologie et de l'immigration, les conflits entre peuples pacifiques et, d'autres, mercantiles. Il y a de l'Avatar dans ce Besson, et pas seulement dans la technologie.

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Valerian and the City of a Thousand Planets (Valérian et la Cité des mille planètes) prendra l'affiche le 21 juillet.

Image fournie par Les films Séville

Valerian and the City of a Thousand Planets

Il a dit...

À propos de ses étoiles

Luc Besson s'est adressé aux médias lors d'une conférence de presse tenue à Los Angeles, à laquelle La Presse a assisté. Points saillants.

«Dane et Cara ne sont pas des stars, mais ils peuvent dégager une légèreté à la Star Wars. C'est peut-être ma façon de donner au public le plaisir de la découverte, de lui donner "mes" Harrison Ford et Mark Hamill. Grâce à Dane, Valérian n'est pas un héros classique à l'américaine, il n'est pas Schwarzenegger. Il est plus européen, plus... fragile même quand il se la joue prétentieux ou enfant gâté. Cara donne à Laureline un côté grave, assez terre à terre, et une grande force. Dans leur tandem, elle est la personne responsable.»

À propos de l'humour

«Je ne peux pas faire autrement dans la vie, et ça déteint sur ce que j'écris: dès que je deviens trop sérieux, je ne peux m'empêcher de lâcher une blague. J'ai besoin de profondeur, de contenu, mais aussi de légèreté. Et si vous parlez de sujets sérieux avec une pointe de légèreté, il y a plus de chances que votre message passe. Or, des messages, il y en a plusieurs dans Valerian

À propos du «grand» plan

«Quand vous plongez dans ce genre de projet, vous savez que vous allez être en compétition avec les Marvel et DC Comics de ce monde. C'est du sérieux. Pour imaginer cet univers, j'ai fait travailler une dizaine d'illustrateurs dans le noir, en leur laissant entière liberté. Je ne voulais pas freiner leur créativité, je voulais qu'ils couchent sur papier les trucs les plus bizarres auxquels ils pouvaient penser. Au bout d'un an, j'avais 6000 croquis. J'ai commencé à trier, à choisir. Au bout du compte, nous avons travaillé avec une bible de 600 pages concernant une centaine d'aliens.»

À propos des «petites scènes»

«Il y a les scènes tournées sur écran vert, incroyablement complexes. Ce ne sont pas celles que j'attendais avec le plus d'impatience. Celle dont le tournage m'excitait le plus en est une qui semble très simple, très intime, entre Valérian et Laureline. Il y est question d'amour et de confiance. J'ai attendu 15 semaines pour la tourner. Plus tôt, Dane et Cara n'auraient pas été assez à l'aise l'un avec l'autre. Quand j'ai senti qu'ils étaient prêts, j'ai attendu une semaine de plus, jusqu'à ce qu'ils meurent d'impatience de la jouer. [rires]»

À propos de Rihanna

Une des scènes les plus visuellement impressionnantes de Valerian and the City of a Thousand Planets met en scène Rihanna dans la peau d'une effeuilleuse «métamorphe» appelée Bubble. Sous les yeux ébahis, puis ravis de Valérian, elle se fait tour à tour artiste de cabaret, écolière, bonniche à plumeau, Catwoman, demoiselle en minishort et patins à roulettes, etc. « Je voulais la meilleure personne pour ce rôle, et c'était Rihanna. Je ne pouvais pas savoir si elle serait intéressée sans demander. J'ai donc demandé. Et ça a marché. Elle a été exceptionnelle sur le plateau... quand elle a pu être là. Vous savez, elle fait le tour du monde trois fois dans la même journée [rires]. Mais quand elle était là, elle était concentrée, entièrement disponible. Un rêve, de la diriger. Ça a été six jours de travail intense, mais auparavant, il a fallu un bon mois seulement pour la préparation des costumes.»

Image fournie par Les films Séville

La boîte montréalaise Rodeo FX s'est chargée d'une bonne partie des effets spéciaux du film.