Spike Lee est à Montréal aujourd'hui pour présenter son documentaire Michael Jackson's Journey from Motown to Off the Wall dans le cadre du 12e Festival du film black. Entrevue avec le cinéaste.

Vers la fin de sa vie, c'est surtout pour sa vie privée et ses travers que Michael Jackson a fait parler de lui. De quoi presque reléguer au second plan le talent musical qu'il a développé comme un forcené dès l'enfance. Voilà pourquoi le cinéaste Spike Lee a voulu faire un second documentaire sur le roi de la pop.

«J'avais déjà fait un film sur Michael Jackson pour les 25 ans de l'album Bad. Mais celui-ci retrace son parcours d'artiste, de son enfance jusqu'à son premier album solo, Off the Wall, réalisé par Quincy Jones.»

Michael Jackson's Journey from Motown to Off the Wall s'avère un documentaire éminemment musical. Il n'y est pas question des querelles familiales des Jackson, de la relation trouble de Michael avec son père ni de sa vie privée controversée.

«C'est un documentaire musical qui met l'accent sur le chanteur, le danseur, l'auteur-compositeur, l'entertainer et l'humaniste qu'était Michael Jackson... Je ne voulais pas parler d'autre chose. Juste de sa musique.»

Certes, il y a des entrevues avec des stars comme Mark Ronson, Pharrell Williams et Kobe Bryant, mais le contenu le plus intéressant est révélé par des gens de l'industrie - puissants, mais travaillant dans l'ombre -, dont le père fondateur de Motown, Berry Gordy.

L'université Motown

Michael avait seulement 11 ans quand il a rejoint ses frères au sein de Motown Records. C'est connu, le label phare de Detroit était une école, un camp d'entraînement et une maison pour ses artistes.

Michael Jackson a fait ses classes à Motown. Il y a côtoyé Diana Ross, Marvin Gaye et Stevie Wonder. «Motown a été son université, mais il y a eu un moment où il a dû voler de ses propres ailes et développer son propre style», raconte Spike Lee.

Le réalisateur a eu accès à une tonne d'images et de témoignages de l'époque. «Quand tu fais un documentaire, il te faut du matériel. Nous étions très contents d'avoir accès aux archives du domaine de Michael Jackson. Nous avons eu ce dont nous avions besoin.»

À un moment dans le film, une intervenante lit une note de Michael Jackson où le chanteur confie vouloir se surpasser et devenir le meilleur.

«Quand les gens verront mes deux documentaires sur Michael, ils vont comprendre à quel point il a travaillé son art», souligne Spike Lee.

«Partout dans le monde, il y a des gens qui pensent que les personnes noires naissent avec un talent musical et que c'est facile pour elles. Or, des géants comme Michael se consacrent tous les jours à leur art.»

De nombreux artistes soulignent à quel point Michael Jackson les a inspirés. La star torontoise The Weeknd dit même avoir trouvé sa voix de falsetto avec la chanson Don't Stop 'Til You Get Enough. «J'étais content d'avoir The Weeknd dans le film, dit Spike Lee. Les plus jeunes n'étaient pas là pendant la période que je raconte. Ils peuvent mieux comprendre la musique et le talent de Michael Jackson.»

Un album important

Le réalisateur veut aussi rappeler l'importance qu'a eue l'album Off the Wall, réalisé par Quincy Jones en pleine période disco, dans la carrière de Michael Jackson.

À la fin du documentaire, des artistes comme Questlove, Rosie Perez et le producteur L.A. Reid en décortiquent les chansons pour démontrer à quel point Jackson y a créé son propre son et sa personnalité artistique. «Il s'agit de son premier album adulte. Il a écrit beaucoup des chansons, et cet album a ouvert la voie pour le reste», précise Spike Lee.

Comme tout film de Spike Lee, Michael Jackson's Journey... fait état de la lutte des Afro-Américains pour la reconnaissance de leurs droits. À un moment du documentaire, le roi de la pop dit vouloir être tout simplement reconnu comme un artiste. «Pas comme un Noir ou un Blanc.»

«Michael ne niait pas qu'il était afro-américain. Il ne voulait pas être traité injustement. Il a vu des gens comme James Brown être mis dans une catégorie qui freinait leur développement.»

Spike Lee est né un an avant Michael Jackson (et Prince). Alors que les inégalités entre les Noirs et les Blancs sont au coeur de l'actualité américaine, son film souligne à quel point Michael Jackson voulait unir les gens.

Spike Lee espère faire un troisième documentaire sur Michael Jackson, qui concernerait la période Thriller, afin d'en arriver à une trilogie.

Il revient à Montréal au Festival du film black deux ans après l'hommage qui lui a été rendu pour le 25e anniversaire du film Do The Right Thing. Spike Lee se dit par ailleurs atterré par la mort récente de l'acteur Bill Nunn, qui figurait dans ce film dont «les gens [lui] parlent encore tous les jours».

_______________________________________________________________________________

Le documentaire Michael Jackson's Journey from Motown to Off the Wall est projeté ce soir en première canadienne à 19 h au Théâtre Hall de l'Université Concordia, suivi d'une période de questions avec Spike Lee.

Image fournie par la maison de disques 

L'album Off the Wall, de Michael Jackson