L'acteur Dino Tavarone a-t-il vraiment été aux prises avec un cancer à un stade avancé? Le film Mon ami Dino, qui clôturera en grande première le festival Fantasia le 3 août prochain, répond à cette question... ou pas.

Disons simplement que malgré des douleurs à un nerf sciatique, celui qui a fait sa marque dans notre paysage télévisuel pour son rôle du mafieux Scarfo dans la série Omertà a aujourd'hui plutôt l'air en forme sur la terrasse du restaurant où il enfile les entrevues, après le visionnement de presse de cette espèce de biopic.

Situé quelque part entre la fiction et le documentaire, Mon ami Dino risque d'en surprendre plusieurs, en plus de condamner, pendant 84 minutes, le spectateur à essayer de démêler le vrai du faux.

Même ici en entrevue, on sent une volonté de l'équipe de maintenir un flou autour du projet. «Tout est vrai, tout est faux. L'émotion est vraie», lance d'entrée de jeu Dino Tavarone, 72 ans, qui ne cache pas avoir perdu ses repères en acceptant l'invitation de son ami Jimmy Larouche (Antoine et Marie, La cicatrice), qui lui a tout bonnement demandé s'il voulait faire un film, un soir de brosse.

«Cette chose m'est vraiment rentrée dedans. Je n'en pouvais plus, je commençais à être vraiment malade, à avoir de la difficulté à marcher. Je ne savais plus où j'étais entre la fiction et la réalité», raconte le comédien, comme s'il revenait de la guerre.

Même son chien Pipingo, acteur récurrent du film, est tombé malade, ajoute-t-il. Un stress émotionnel, selon le vétérinaire. 

«C'est un film que tu ne regardes pas avec la tête, mais avec le coeur. Si le téléspectateur embarque, il n'aura pas besoin de savoir ce qui est vrai ou faux dans ma vie», croit Tavarone, convaincu que la sincérité du jeu de l'acteur prime le reste.

Le comédien semble s'en vouloir un peu d'avoir impliqué émotionnellement ses amis dans l'expérience, dont Manuel Tadros, son agente (et ex-conjointe) Ginette Achim, mais surtout Michel Côté, qui encaisse durement le choc de sa maladie. 

«On approchait les gens en disant simplement qu'on tournait un documentaire sur moi. Michel a perçu mon émotion, ma crainte et s'est livré.»

Il ajoute que l'intention du film était aussi de montrer que le cancer n'est pas seulement l'affaire du malade, mais aussi celle de tout son entourage, «comme une pieuvre qui ramasse tout autour d'elle».

L'acteur ajoute avoir tourné 40 heures pour ne garder que 84 minutes. Un effort de montage dans cette pléthore d'improvisation et de monologues-fleuves, à l'image de cette entrevue qui s'éparpille dans tous les sens au sujet d'un crépuscule orangé, de l'immigration, de la famille et du jeu d'ombre et de lumière créé sur un plafond par le soleil.

À travers tout ça, Tavarone admet avoir un peu peur de mourir une deuxième fois, si la maladie revenait le hanter. «J'ai plus peur de la souffrance que de la mort», confie le comédien, qui assure ne pas avoir tourné son testament. «Je suis un homme libre, comme un itinérant détaché de tout dans une jungle en ciment.»

La comédienne Joëlle Morin (Alys Robi, Scoop) raconte avoir reçu un rôle sur mesure en incarnant la mère adoptive de Pipingo, elle qui milite depuis longtemps pour la défense des animaux.

Une courte présence dans le film pour cette amie de Tavarone, mais surtout du réalisateur Jimmy Larouche, qui lui avait confié un premier rôle dans son film La cicatrice il y a six ans. «Il m'a parlé d'une docu-fiction, une sorte d'improvisation avec un cadre», explique Morin, qui a improvisé 3 scènes de 20 minutes. 

Un tournage plus difficile que prévu, puisque Pipingo ne semble aimer qu'une personne sur terre: Dino Tavarone. « Il me grognait toujours après. Je lui disais: "Aime-moi! Aime-moi!" Mais il ne m'a jamais aimée...», soupire la comédienne, qui s'estime néanmoins chanceuse d'avoir pris part à cette expérience cinématographique.

Une rare sincérité

Avec son film, Jimmy Larouche avoue avoir tenté de briser la barrière entre la réalité et la fiction. «Ce que j'ai pu aller chercher avec ça, sans prétention, c'est une sincérité rarement atteinte au cinéma», avoue le réalisateur, qui s'est notamment inspiré du travail d'Andy Kaufman, qui plaçait l'émotion au-dessus du reste.

Une telle démarche s'apparente à un tour de magie, ajoute Larouche. «C'est comme un magicien qui scie une fille en deux. L'important, ce n'est pas qu'elle soit en vie à la fin, mais plutôt les émotions que ça génère entre les deux», explique le cinéaste, qui a choisi de dédier son film à son père, même si ce dernier est bien vivant. 

«Il n'est pas malade non plus, mais j'attendais d'avoir le film approprié pour lui dire que je l'aimais.»

De toute façon, il préfère penser que son film célèbre la vie, même s'il aborde le thème de la maladie. Une façon, explique-t-il, de «donner du beau» après avoir tourné deux premiers films très durs. «J'aimerais ça, avoir une fin de vie comme ça», avoue-t-il, en se défendant d'avoir trompé les acteurs qui ont accepté d'embarquer dans son film. «Personne ne s'est senti trahi, mais tout le monde était quand même inquiet. Une des comédiennes m'appelait même souvent pour me demander: "C'était-tu de la bullshit?"», raconte Larouche, qui est parvenu à marier à l'écran des comédiens et du «vrai monde». 

«Les petits couples aux soins palliatifs sont morts aujourd'hui», souligne-t-il.

Bullshit ou pas, le tour de force est vrai, les émotions aussi et Dino Tavarone semble toujours bien vivant quand il sirote un macchiato sur la terrasse où nous l'avons rencontré...