Avec Crimson Peak, son dernier opus gothique en cours de sortie dans plusieurs pays, le cinéaste mexicain Guillermo del Toro renoue avec la veine fantastique de son oeuvre phare Le labyrinthe de Pan, et estime avoir réalisé son film «le plus soigné visuellement».

«Le gothique sentimental nécessite un certain niveau de lyrisme ou d'exagération», a déclaré le réalisateur, de passage à Paris, dans un entretien accordé à l'AFP. «Visuellement, il faut soutenir cet univers avec des couleurs soignées, saturées, des costumes très travaillés, des images composées avec beaucoup d'attention».

Portant un soin particulier à la composition des scènes, aux décors, aux couleurs et créant à son habitude des images fortes, le réalisateur, qui se définit comme «l'ami des monstres», laisse libre cours à sa passion pour les créatures surnaturelles et le fantastique.

Elle était déjà à l'oeuvre dans la plupart de ses précédents films, dont L'échine du diable (2001) et Le labyrinthe de Pan (2006), son film le plus célèbre, récompensé par trois Oscars.

Après Pacific Rim (2013), superproduction de science-fiction mettant en scène le combat entre des robots géants et des monstres, Guillermo del Toro - qui aime alterner grosses productions hollywoodiennes comme Blade 2 ou Hellboy et projets plus personnels - estime aussi avec Crimson Peak avoir «fait pour la première fois un film pour adultes en anglais».

«Il fallait que le film soit en anglais, car il appartient vraiment à une tradition anglo-saxonne, celle du roman gothique», né en Angleterre à la fin du 18e siècle, a expliqué le cinéaste, qui cite parmi ses influences La chute de la maison Usher d'Edgar Allan Poe ou Le tour d'écrou d'Henry James.

«Très mexicain»

«J'ai été élevé aux contes, aux histoires d'horreur et aux romans gothiques», raconte le réalisateur âgé de 51 ans, qui se souvient que «le premier film qu'il a vu était Les hauts de Hurlevent avec Laurence Olivier» et que «l'un des premiers livres qu'il a lus était Jane Eyre».

En même temps, celui qui avoue «croire aux fantômes» pour en avoir «fait lui-même l'expérience», juge son cinéma «très mexicain». «La façon dont j'accepte l'extraordinaire comme quelque chose d'ordinaire, et le mélodrame qui est dans tous mes films, tout cela est éminemment mexicain», dit-il.

Porté par une mise en scène virtuose et un univers visuel flamboyant, Crimson Peak raconte l'histoire d'Edith Cushing, une jeune Américaine du début du 20e siècle, fille d'un industriel et romancière, interprétée par l'Australienne Mia Wasikowska (Jane Eyre, Alice au Pays des merveilles).

Hantée par la mort de sa mère, elle s'éprend d'un inventeur anglais séduisant et mystérieux, Sir Thomas Sharpe, joué par l'acteur britannique Tom Hiddleston (Thor, Avengers).

Edith, qui épouse le jeune homme, va le suivre dans son manoir de famille en Angleterre, un lieu lugubre, hanté et plein de secrets où il habite avec sa soeur, incarnée par Jessica Chastain (Zero Dark Thirty, Interstellar).

Ruines enneigées, fantômes, portes qui grincent et cris stridents, musique angoissante: les codes du roman gothique et du film d'horreur sont réunis dans cette oeuvre à la trame assez attendue, mais qui se veut aussi «centrée sur les femmes» pour «rendre le genre gothique plus moderne et vivant», et prend ses distances avec les ressorts classiques du film d'horreur.

«J'aime les images de films d'horreur, mais je n'aime pas leur mécanique», explique le cinéaste, qui dit «refuser d'utiliser la notion judéo-chrétienne du diable dans ses films».

«La façon la plus facile d'effrayer son public est de faire des fantômes des créatures du diable», relève-t-il. «Moi je ne fais pas de mes fantômes des créatures sataniques, ils sont finalement tristes».

Aujourd'hui, Guillermo del Toro dit avoir envie de faire un film noir ou «quelque chose sur la Seconde Guerre mondiale». «Mais il faut qu'il y ait quelque chose d'étrange», lance-t-il.