Shaun le mouton est né il y a 20 ans sous le crayon de Nick Park, le père de Wallace et Gromit et l'un des piliers de la maison de production britannique Aardman, spécialisée en animation stop motion.

Cette première apparition de l'agneau s'est faite dans le court métrage A Close Shave, couronné d'un Oscar et mettant en vedette les stars d'Aardman, Wallace et Gromit. Et tout le monde a succombé au charme du jeune ovin bien qu'il n'ait eu là qu'un rôle de soutien. Bref, il lui fallait une carrière.

Elle a véritablement commencé en 2007, sous forme d'épisodes de 7 minutes. Simplement intitulée Shaun the Sheep, la série en compte maintenant 130. «Le moment était arrivé pour lui de passer au grand écran», indiquait Mark Burton dans l'entrevue téléphonique qu'il a accordée à La Presse en compagnie de Richard Starzak. «Au fil des ans, ajoute ce dernier, la série a progressé et nous sentions qu'il était possible de raconter, avec ce matériel et ces personnages, une histoire plus longue.»

Les deux hommes sont les scénaristes et réalisateurs de Shaun the Sheep Movie. Le premier a signé les scripts de Chicken Run et de Wallace and Gromit - The Curse of the Were-Rabbit; le second a développé la série Shaun the Sheep pour la télévision. Ils étaient donc des plus familiers avec Aardman, en fond comme en forme. Assez pour prendre en charge le passage de Shaun du petit au grand écran, tout en faisant leurs premières armes à titre de réalisateurs.

Un travail qui les a occupés pendant près de trois ans. Deux à l'écriture. Une dizaine de mois à la production. Ce qui est peu au royaume de l'animation. Du «bref, mais intense», quoi. Et terrifiant. Le mot revient à quelques reprises durant la conversation. Terrifiant parce que les attentes étaient grandes, oui, bien sûr. Mais surtout parce que le tandem a décidé que leur film serait muet. Pas un mot n'y est prononcé. Des sons, des onomatopées, de la musique, des chansons: pas de problème. Mais rien d'autre.

Et c'est avec cela en tête qu'ils ont bâti leur intrigue. «Une histoire assez simple pour pouvoir être racontée sans mots, mais assez prenante pour ne pas devenir ennuyante», résume Mark Burton. Quand ils l'ont trouvée, ils ont su que ça pouvait marcher. Non, que ça allait marcher.

Tous à la ville!

Alors, cette histoire? Fatigués de la routine quotidienne à la ferme où ils vivent avec le Fermier, le chien Bitzer et les cochons, Shaun et les siens décident qu'ils sont prêts pour une journée d'aventure. Pour cela, ils endorment le Fermier - en lui faisant compter des moutons, quoi d'autre! - et l'enferment dans la roulotte. Qui dévale bientôt accidentellement la route menant à la grande ville!

Et le troupeau de partir à la recherche/rescousse de son gardien. Devenu amnésique. Se lançant ainsi dans une autre «carrière» alors que Shaun et ses copains sont poursuivis par un employé zélé de la fourrière.

Simple, on l'a dit. Mais universel. «Il est entre autres question, ici, de notre relation avec ces proches que nous tenons pour acquis», résume Richard Starzak. «Car la dynamique, dans le film comme dans la série, est celle d'une famille. Le Fermier est le père, Bitzer est le grand frère de Shaun qui est, lui, comme un écolier de 10 ans: le coeur à la bonne place, mais une tendance à vouloir enfreindre les règles», fait Mark Burton.

Le long métrage explore et approfondit tout cela. «Nous le voulions drôle, mais, également, touchant. Tout en veillant à ne pas tomber dans la morale», poursuit Richard Starzak dont l'un des plaisirs a été de créer des situations où le slapstick est roi. Le film muet s'y prêtait.

«Nous avons pensé à WALL-E... et à The Artist, mais nous avons aussi regardé beaucoup de classiques du genre. Nous avons appris des grands maîtres comme Charlie Chaplin et Buster Keaton», indique Mark Burton. 

«La performance de Shaun est d'ailleurs basée sur celle de Buster Keaton, sur son côté pince-sans-rire.»

Et de faire référence au visage «figé» de l'agneau dont les gros yeux ronds comme des billes et l'absence de sourcils ne se prêtent pas à l'animation complexe. L'émotion doit passer autrement. Dans l'attitude. Qui est, justement, l'une des clés du cinéma muet.

Or de l'attitude, il en a, Shaun. Son entourage aussi. Ce qui, au bout du compte, fait de Shaun the Sheep Movie ce que Richard Starzak appelle «un film pour adultes où vous pouvez amener vos enfants».

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Shaun the Sheep Movie (Shaun le mouton: Le film) prend l'affiche le 5 août.