Fille de parents célèbres, Jeanne Herry propose l'histoire d'une admiratrice prête à aller très loin par amour pour son chanteur favori. Sandrine Kiberlain se glisse dans la peau de cette femme «ordinaire» qui, en fait, ne l'est peut-être pas du tout...

Dans la vie, Sandrine Kiberlain n'a rien du profil de la groupie excessive prête à tout pour se retrouver près de son idole. La Muriel d'Elle l'adore non plus, d'ailleurs. En cela, l'approche de la réalisatrice Jeanne Herry, qui s'y connaît en la matière (elle est la fille de Julien Clerc et de Miou-Miou), diffère de celles qu'empruntent habituellement les scénaristes dans ce genre d'histoire. L'admiration que voue le personnage qu'interprète Sandrine Kiberlain à un chanteur populaire (incarné par Laurent Lafitte) est «intense», certes, mais ne relève quand même pas d'une pathologie.

«C'est ce qui m'a plu dans ce récit, faisait remarquer l'actrice au cours d'un entretien accordé à La Presse dans le cadre des Rendez-vous du cinéma français, un événement tenu à Paris par l'organisme Unifrance. Muriel est excessive, mais son attitude n'est pas malsaine. Pour préparer le rôle, j'ai d'ailleurs rencontré une très grande admiratrice de Julien Clerc. Cette femme mène une vie tout à fait simple avec son mari, ses enfants. Elle est à la barre d'une petite famille normale, quoi. Mais il se trouve qu'une pièce de sa maison est quand même consacrée à Julien. C'est comme une relation privilégiée qu'elle entretient avec lui, mais elle ne veut quand même jamais s'immiscer dans sa vie personnelle. Maintenant, irait-elle aussi loin que de cacher un cadavre pour lui? Ça, je ne sais pas!»

Un mélange de genres

En plus de mettre de l'avant les liens qui peuvent se tisser entre une groupie et son idole, Elle l'adore s'aventure du côté du thriller. Le récit est aussi parsemé de touches d'humour. Ainsi, Muriel a la surprise de sa vie quand, une nuit, son idole débarque inopinément chez elle pour lui réclamer de l'aide. Il compte sur son admiratrice pour le faire sortir du pétrin dans lequel il s'est lui-même plongé. Dès lors, la vie de la modeste esthéticienne bascule dans le polar.

«Même si tout cela est très fantaisiste, j'ai quand même tout de suite cru aux motivations de Muriel, à son besoin de remplir un vide existentiel, explique l'actrice. Il se trouve qu'en fait, sa vie est beaucoup mieux remplie qu'on ne le croit, même par rapport à celle que mène son idole. Je me suis identifiée à elle et j'ai eu envie de la défendre. J'ai aussi été très touchée par le fait qu'elle arrive à nous faire rire dans les moments les plus dramatiques.»

Sandrine Kiberlain, lauréate du César de la meilleure actrice l'an dernier grâce à sa composition dans 9 mois ferme, a aussi eu envie d'explorer de l'intérieur - du moins, à travers ce rôle - un phénomène qui lui est étranger: celui de l'adoration qu'un individu peut porter envers une personnalité publique sans vraiment la connaître.

«Personnellement, même pendant l'adolescence, je n'ai jamais fantasmé sur quelqu'un de cette façon-là, confie-t-elle. Dans ma chambre, il y avait plutôt des affiches de films. Cela dit, quand j'ai vu au cinéma Ingrid Bergman, Diane Keaton ou Romy Schneider, j'ai été très impressionnée. Ça m'a donné envie d'exercer ce métier. Quand, aujourd'hui, je vois Anne Dorval, je suis impressionnée tout autant. Mais ce n'est pas le même genre de rapport.»

Un rapport différent

Comme les chanteurs, les vedettes de cinéma peuvent aussi faire l'objet d'une adulation excessive. L'actrice n'a toutefois jamais eu à gérer ce genre de trop-plein d'affection de la part de quelqu'un. Elle ne le souhaite pas non plus. Cela dit, elle a lancé un disque de chansons il y a quelques années. Qu'elle a porté sur scène une cinquantaine de fois.

«Les acteurs ne sont pas admirés de la même façon que les chanteurs ou les rock stars, analyse-t-elle. Les gens se rendent au spectacle d'un artiste musical pour le voir en vrai, pour le voir, lui. De son côté, un acteur reste très protégé par les personnages qu'il joue, de même que par la distance qu'impose l'écran. Il n'est pas là physiquement. Je ne me suis jamais considérée comme une chanteuse, mais j'ai quand même vécu un peu la scène après la sortie du disque. J'avoue que d'être mise à nu comme ça devant un public m'a beaucoup dérangée, beaucoup oppressée. Tout repose alors sur vos épaules, sur votre personne. Il y a quelque chose de "pas normal" qui s'établit comme rapport. En tout cas, ça me ressemble moins. En fait, ça me fait peur!»

Elle avait peut-être déjà croisé Jeanne Herry à quelques reprises avant de travailler avec elle, mais la vraie rencontre s'est faite grâce à ce film. Qu'elle a voulu défendre.

«Jeanne est arrivée avec un scénario dans lequel on retrouve un beau mélange de genres. C'est ce que j'aime. Or, elle a eu du mal à monter son film, car aux yeux des financiers, il faut que tout rentre dans des cases bien précises. Cela devient frustrant au bout d'un moment. Les films qu'on aime - et qui restent - sont souvent des films inclassables, justement!»

Présenté l'automne dernier au festival Cinemania de Montréal, Elle l'adore a obtenu le prix du meilleur premier long métrage.

Elle l'adore prend l'affiche le 3 juillet.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.