Kristen Stewart connaît Julianne Moore depuis une bonne décennie et était prête «à sauter dans n'importe quel projet en sa compagnie». C'est alors qu'elle a reçu le scénario de Still Alice, auquel la rousse actrice était déjà attachée.

Première réaction, avant même la lecture: l'excitation, le désir d'accepter immédiatement. Puis le doute.

Un sentiment en fait très «stewartien», la jeune femme découverte par le plus grand nombre dans la saga Twilight se remettant souvent - et réellement - en question.

«Oui, j'espérais que ce soit bon, mais aussi que le personnage me parle. Je peux aimer un scénario, une histoire, mais ne pas me sentir capable d'interpréter le rôle que l'on veut me confier», indique-t-elle dans l'entrevue téléphonique qu'elle a accordée à La Presse.

Dans ce cas-ci, Lydia, la fille d'Alice Howland. Cette dernière, professeure de linguistique à l'Université Columbia, conférencière réputée, intellectuelle en vue, vient d'avoir 50 ans quand tombe le diagnostic. Elle souffre d'une forme précoce de la maladie d'Alzheimer. Le mal est non seulement incurable, mais, en plus, la progression sera rapide.

Le choc. Abyssal. Pour la principale concernée, bien sûr. Pour ses proches: son mari, John (Alec Baldwin) et leurs trois enfants - Anna (Kate Bosworth), Tom (Hunter Parrish) et Lydia. Lydia qui, contrairement aux autres membres de sa famille, n'est pas bardée de diplômes et n'exerce pas une profession libérale. Elle est actrice. Actrice en quête d'une percée.

«Je savais que Julianne allait faire quelque chose de grand avec ce rôle, et quelque chose d'important pour elle, poursuit Kristen Stewart. L'idée de la soutenir là-dedans était une énorme responsabilité.»

Elle s'est donc assise avec les réalisateurs Richard Glatzer et Wash Westmoreland (The Last of Robin Hood), qui cosignent aussi le scénario, adapté du roman éponyme de Lisa Genova. «Ce ne sont pas seulement d'excellents cinéastes, mais également des personnes extraordinaires.» Des personnes qu'elle ne voulait pas décevoir - «Mais je sais qu'ils ne m'auraient pas engagée s'ils ne m'avaient pas crue à la hauteur» - tant elle sait l'importance de ce projet pour eux.

Quelques mois avant de mettre en branle Still Alice, en 2011, les deux hommes - qui se sont mariés en 2013 et travaillent ensemble depuis la fin des années 90 - ont été frappés par le destin: Richard était atteint de sclérose latérale amyotrophique. Il allait graduellement perdre tout contrôle de son corps. Alors que ses capacités intellectuelles ne seraient pas affectées.

Un impitoyable contraire à la maladie d'Alzheimer.

Travail en amont

Quand le tournage a commencé, Richard Glatzer ne pouvait plus ni parler ni mouvoir la partie supérieure de son corps. «Il nous dirigeait à l'aide d'un iPad... et c'était étonnement facile. Rich a perdu les mots, mais pas la faculté de communiquer», fait la comédienne avant d'évoquer le débroussaillage intensif des personnages, des intentions, des psychologies, qui avait précédé le travail devant les caméras comme tel.

Elle admet avoir aussi été aidée par le fait que Lydia, comme elle, est actrice: «Jusqu'à un certain point, je n'ai pas eu à changer ce dont j'ai l'air, mon énergie, ma présence. Et je pense qu'être moi-même était ma façon de mieux servir le film, être le plus honnête possible. Être là. Il y a donc beaucoup de moi-même dans ce personnage.» Dont elle comprend les décisions les plus contestées par sa famille.

Ainsi, la jeune femme décide de ne pas subir de test médical afin de déterminer si elle possède ou pas le gène, héréditaire, à l'origine de la maladie de sa mère. Le posséder est un verdict implacable: le mal va frapper un jour. Mais il n'y a rien à faire. Aucune cure. Pas de prévention possible.

«Lydia n'est pas comme les autres membres de sa famille. Ce sont des universitaires, ils aiment définir les choses, comprendre, savoir. Elle est plus dans l'intuition, vit dans une zone grise et est extrêmement dans le moment présent. Je comprends complètement cela. Et sa décision.»

Tout comme elle comprend Alice. Par la bouche de celle-ci, Julianne Moore laisse tomber qu'elle préférerait avoir le cancer que la maladie d'Alzheimer. «Il y a une honte et une tristesse associées à cette maladie qui dépouille les gens d'eux-mêmes. Ils souffrent, se perdent... et en sont embarrassés», fait-elle. Pause. Puis, dans un souffle, elle dit combien elle est sortie grandie de cette expérience. Comme actrice. Comme être humain.

À ce titre, elle s'admet d'ailleurs très choyée puisqu'elle a aussi récemment travaillé avec une autre grande dame du grand écran, Juliette Binoche, pour Sils Maria d'Olivier Assayas.

«Julianne et Juliette ont toutes les deux du génie, mais de façon différente. Juliette est comme un animal: elle explore, elle se prépare, elle travaille très dur, elle est comme un soldat. Et une fois sur le plateau, elle ne sait même pas où est la caméra, elle est pleinement, totalement dans le moment. Julianne, elle, est une technicienne: elle est réfléchie, volontaire et brave. Il y a quelque chose en elle de très en contrôle. Et je dis cela comme un compliment à chacune.»

Dans sa voix, l'admiration. Et un respect. Immense.

Still Alice est à l'affiche en version originale anglaise.

L'après-Twilight

On a tendance à l'oublier, mais l'après-Twilight de Kristen Stewart a aussi été un «pendant Twilight». «J'ai continué à faire des films indépendants entre les volets de la saga», rappelle celle dont le travail avait été remarqué dans Into the Wild et qui, en effet, entre les adaptations des romans de Stephenie Meyer, a été vue dans AdventurelandThe Runaways et On the Road.

Une précision factuelle. Pas synonyme d'une possible distance qu'elle voudrait prendre face à son passé dans les cinq blockbusters: «Je ne ferais jamais cela. Ç'a été des années incroyablement formatives. J'étais très jeune à l'époque [elle n'avait pas 18 ans quand elle a tourné le premier film] et ç'a été si longtemps avec moi! Je revois tout ça comme mes jours à l'école secondaire. J'étais tellement, mais tellement passionnément engagée et concernée!»

Elle a défendu Bella, son personnage, et la saga. Malgré les critiques, les flèches. «Je me fichais du dénigrement, j'étais dedans comme si c'était à moi», assure celle qui, à 

24 ans, voit la plupart de ses amis chercher encore leur voie alors qu'elle, depuis quelque 15 ans, gagne sa vie en faisant «ce qui me fait sentir le plus vivante. J'ai de la chance».

Et du talent. Ceux qui en doutent n'ont pas vu l'ensemble de son travail.