Depuis le début du mois de juin, les Capetoniens s'adonnent à la chasse aux stars de Hollywood. Quand Claire Danes n'est pas prise en flagrant délit de posture «chien inversé» dans un studio de yoga du quartier Gardens, ce sont les tourtereaux Charlize Theron et Sean Penn ainsi que leur covedette Javier Bardem qui causent l'émoi en débarquant au mythique hôtel Mount Nelson.

L'industrie du cinéma est en plein essor, dans la ville du Cap. Après Bollywood et Nollywood, bienvenue à Callywood.

Pourquoi tant de producteurs américains lorgnent-ils vers la lointaine Afrique du Sud? «La faible valeur du rand est clairement un atout pour les producteurs», lâche prosaïquement le conseiller municipal capetonien Garreth Bloor, qui chaque année multiplie les voyages aux quatre coins de la planète pour «vendre» Le Cap aux joueurs clés de l'industrie du film.

Mais la Mother City n'est pas qu'une destination pour filmer au rabais, s'empresse d'ajouter Monsieur Bloor. Avec ses plages idylliques, ses flancs montagneux qui s'illuminent à l'aube et sa région vinicole champêtre, Le Cap peut ressembler, un instant, à Los Angeles et un quart d'heure de route plus tard, passer pour le sud de la France.

Les townships de Langa ou de Mitchells Plain, eux, peuvent très bien jouer les quartiers populaires d'Istanbul ou de Karachi. Et un peu de maquillage suffit pour déguiser le centre-ville du Cap en n'importe quelle grande métropole occidentale.

Ainsi, Danes, alias Carrie Mathison, a tourné une scène de la saison 4 de Homeland dans un lounge de l'aéroport du Cap, transformé en salon pakistanais. Quelques semaines plus tard, l'héroïne bipolaire de cette série de HBO livrait une scène dramatique derrière la cathédrale St. George (où officie Desmond Tutu) métamorphosée en cimetière d'une ville nord-américaine. Le Artscape Theater, joyau architectural du Cap, a quant à lui été métamorphosé en ambassade des États-Unis.

«La qualité de nos studios nous a apporté une immense crédibilité», estime Christa Schamberger-Youngon, une directrice de casting qui a notamment travaillé pour le film Invictus (avec Morgan Freeman dans le rôle de Nelson Mandela) et est en plein repérage de «talents» pour le prochain film de Sean Penn.

CALLYWOOD, UN CARREFOUR DU MONDE

Les films Safe House (avec Denzel Washington), Blood Diamond (avec Leonardo DiCaprio) et Lord of War (avec Nicolas Cage), le prochain Mad Max 4 (avec Charlize Theron) et bien sûr le récent Long Walk to Freedom, sont tous des produits de Callywood.

Deux immenses répliques de bateaux de pirate, en bordure de l'autoroute N2 et à proximité des Cape Town Studios - complexe sophistiqué de plusieurs millions qui fait la pré et postproduction - rappellent le tournage récent de la série Black Sails.

«Le bagage d'expérience acquis dans les dernières années a rendu nos techniciens très compétents. Et nos cascadeurs, aussi, sont de plus en plus recherchés», indique Christa Schamberger-Youngon, ajoutant que le fort taux de chômage en Afrique du Sud incite plusieurs Capetoniens à tenter leur chance dans l'industrie du cinéma, comme figurants, techniciens ou autres. Et ce, même si les salaires (l'équivalent de 20 $ par longue journée de travail, pour un figurant) sont nettement inférieurs à ceux imposés par l'UDA, par exemple.

Avant d'être embauché comme deuxième assistant caméra, pour la série Black Sails, Siyabulela Shayne Dumo, un jeune résidant du township de Khayelitsha, flirtait avec la délinquance. Recruté un peu par hasard, il travaille désormais régulièrement sur des tournages de publicités - un autre volet très lucratif de l'industrie - et aspire à faire carrière comme cascadeur. « Ça me procure une source stable de travail », dit le jeune homme.

En tant que directrice de casting, Christa Schamberger-Youngon parcourt souvent les rues de Khayelitsha et autres townships, pour repérer des acteurs correspondant à des types particuliers. Le multiculturalisme de l'Afrique du Sud est un autre atout prisé par Hollywood. Pour le prochain film de Sean Penn qui prévoit des scènes recréant le Liberia et la Sierra Leone, madame Schamberger-Youngon a dû faire appel à ses contacts pour finalement trouver ses figurants dans des petites communautés en banlieue de Johannesburg.

«Pour ces gens, qui ne sont pas des professionnels, ce n'est parfois pas évident de partir des semaines durant en tournage, loin de leurs familles. Et dans certains cas, mais pas toujours, il s'agit d'immigrants illégaux.»

Le glamour qui rencontre la précarité : Callywood, à l'image de l'Afrique du Sud, est un univers où se côtoient les extrêmes.