Les acteurs le disent régulièrement. La qualité de leur jeu dépend beaucoup de celui qui partage l'écran avec eux. L'environnement est, aussi, une donnée importante pour la richesse de leur interprétation. Pendant la plus grande partie du tournage de Gravity d'Alfonso Cuarón, Sandra Bullock n'avait ni l'un ni l'autre.

Suspendue dans le vide par des harnais, assistée dans ses déplacements par des marionnettistes lorsqu'elle se trouvait prétendument dans une capsule spatiale où les systèmes nécessaires à créer la gravité ne fonctionnaient plus, ou se mouvant à l'intérieur d'un cube de 3 m2 simulant l'illumination dans l'espace, engoncée dans une combinaison spatiale, un casque sur la tête, une vitre sur le visage: les éléments nourrissant l'art du comédien brillaient par leur absence.

Et celle que le réalisateur appelle affectueusement Sandy n'avait pas le choix. Elle a fait sans. «Le film parle d'adversité et on peut dire que cela reflète ce que nous avons traversé. Tout était un grand défi. La beauté, avec Sandy, c'est que la première fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons parlé de cela, de l'adversité dans la vie. Avant même de discuter du film, nous nous sommes rejoints dans cette vision que nous avons des grandes choses et des grandes difficultés de la vie», se souvient le réalisateur.

Mais après les mots, il y a eu les actions. Le concret du tournage, la précision de la performance, dans le virtuel de l'environnement, dans l'inconfort physique de l'actrice. «Oh, il y a eu du sang! pouffe-t-elle. Un peu de sang, quoi. Et des ampoules. Mais que voulez-vous, j'étais coincée dans ces trucs qu'il me fallait au moins 20 minutes à enfiler, j'étais harnachée là-dedans, enfermée dans des choses sur lesquelles, une fois que le tournage était amorcé, je n'avais aucun contrôle. Là, j'étais pendue la tête en bas ou je tournoyais dans le vide. Ici, je devais parler normalement tout en faisant des gestes à 30% de la vitesse normale - et je peux vous dire que le cerveau n'est pas habitué à cela.»

Adopter l'enfer

Et, après l'effort, se faire dire: «Oh, Sandy... Tu vois, ta main doit être ici, pas là.» Recommencement. L'ampoule qui se forme. La crampe dans la jambe où la circulation est coupée par un harnais qui devient insupportable.

L'enfer? Si l'enfer est là, Sandra Bullock se porte volontaire pour y retourner. Elle a aimé l'expérience. Elle a aimé Alfonso Cuarón. Elle a aimé le défi quotidien de ces journées de 14 heures de travail intense et intensif. Où, au-delà des obstacles physiques, elle devait aussi jouer. Devenir Ryan Stone. Rendre sa terreur, ses découragements, son espoir. Dans la solitude. Ou derrière la visière de verre d'un casque.

Panique à bord? «Je n'ai jamais pensé à cela, assure la comédienne. Tous les acteurs vous diront qu'ils sont toujours terrifiés à l'idée de devoir transmettre quelque chose avec peu de «béquilles» pour les aider à jouer. Mais si tout ce que nous avons pour nous exprimer est nos yeux et notre visage, nous allons nous arranger pour trouver la vérité avec nos yeux et notre visage.»

Plus que jamais, raconte-t-elle, elle s'est accrochée à ce qu'elle voyait et entendait. C'est-à-dire bien peu. «J'avais la voix d'Alfonso dans mes oreilles et je me fiais à lui. Mais à part ça, je n'entendais rien. Et je ne voyais rien: j'étais tellement éblouie par toutes ces lumières que c'était comme si j'étais dans le noir.» Ses yeux et son visage ont ainsi parlé. Et trouvé, sans presque avoir à la jouer, la vérité de ce que traversait le personnage.