Son Pleine lune a beau avoir décroché le Grand Prix des Amériques au FFM en 1998, Fredi M. Murer n'en reste pas moins un cinéaste bien peu connu au Québec. Le cinéaste ne boude pas le Québec et le Canada pour autant.

La preuve, il a profité de la sortie québécoise de Vitus, son plus récent long métrage, et de sa rétrospective à la Cinémathèque québécoise pour venir faire un tour par ici.

Depuis Pleine lune, on avait eu trop peu de nouvelles de Fredi M. Murer. «Quand même, j'ai fait un documentaire, Downtown Switzerland, que l'on ne doit pas oublier», rectifie-t-il. Avant d'expliquer le long chemin de croix que fut le montage financier de Vitus, un voyage, onirique et réaliste, sur les traces d'un jeune surdoué.

Coproduction avec l'Allemagne ou financement européen, le réalisateur suisse a passé quelques années sans trop savoir ce qu'il allait advenir de son projet. «Quand l'Allemagne a renoncé au projet, j'ai repris les droits et fondé ma propre compagnie avec de jeunes cinéastes - dont le coscénariste Peter Luisi», raconte Fredi M. Murer.

Force est de constater que Vitus n'a pas souffert de voir son budget diminuer de moitié. Filmé dans les décors extérieurs, avec plusieurs vues aériennes des Alpes majestueuses, Vitus compte même une grosse pointure dans sa distribution, le comédien Bruno Ganz (La chute). «Bruno Ganz a dit que si le budget était coupé, lui aussi couperait son cachet par deux!» raconte le réalisateur.

Pour le reste, la principale difficulté fut, pour le réalisateur, de trouver un jeune comédien capable d'incarner un surdoué, et pianiste de surcroît. «J'ai visité toutes les écoles de musique suisse pendant trois mois. Aucun des garçons n'était à la hauteur. J'étais désespéré,» se souvient le réalisateur. Ce sera le coup de coeur pour un véritable surdoué et pianiste, Theo Gheorgiu. «C'était un cadeau du ciel.»

Fredi M. Murer se montre intarissable quand il évoque Vitus, l'un des plus grands succès critique et populaire du cinéma suisse. «Vitus est un peu autobiographique, raconte-t-il. Sauf que moi, j'étais le contraire d'un surdoué. J'étais un cancre, très curieux, mais un cancre. J'étais dyslexique extrême dans ce temps-là. Et je dessinais très bien.»

Comme Vitus, Fredi M. Murer rêvait de voler. Comme Vitus, Fredi M. Murer aurait bien aimé jouer du piano. «J'avais eu un accordéon, ce qui était une déception pour moi. Finalement, j'ai transféré dans le scénario ce voeu qui n'a jamais été réalisé pour moi.»

Comme Vitus, Fredi Murer est aussi autodidacte. «Depuis 45 ans que je fais du cinéma, je ne suis jamais allé dans une école de cinéma. Mon éducation, c'est plutôt le dessin et la photographie.»

Jeune adulte, il se forge une culture cinématographique en squattant la Cinémathèque de Paris, où il passe plusieurs mois.

Les premiers courts métrages de Murer voient le jour dans les années 60 (Marcel, 1962, Sad-is fiction, 1969). C'est avec le documentaire que la voix de Murer se fait entendre. D'abord avec Ce n'est pas notre faute si nous sommes des montagnards (1974), puis surtout avec L'âme soeur (1985). Trop (peu?) prolifique, Murer signe, avec Vitus, son quatrième long métrage de fiction.

«C'est drôle, parce que mon premier film, Marcel, raconte l'histoire d'un enfant qui joue avec un avion. Seuls mon premier et mon dernier film parlent d'enfance, et d'avions», souligne le réalisateur.

Avant de s'en réjouir: «Et tous les deux seront présentés à Montréal.»