David Homel, romancier, traducteur, journaliste et chroniqueur, a déjà scénarisé des films. Sa première réalisation, un documentaire à la fois improbable et bouleversant, tourné dans les Balkans, sera présenté en première mondiale aux Rendez-vous du cinéma québécois ce week-end.

La genèse du film Le psy, la victime et le bourreau remonte à l'écriture du roman Un singe à Moscou, paru en 1995. David Homel s'était alors intéressé au sort de penseurs qui avaient tenté de mettre sur pied un mouvement psychiatrique dans l'Union soviétique de Staline. C'est en faisant sa recherche pour un roman ultérieur, L'analyste, qu'il se retrouvera dans les Balkans où, dit-il, «la Yougoslavie de Milosevic tenait davantage du mauvais cirque que de la dictature à la Staline».

À Belgrade, en 2000, il fait la connaissance d'un groupe de jeunes psychiatres et psychologues serbes chez qui il trouve «une énergie, un accueil, une folie» qui le touchent. «J'avais déjà l'idée d'un personnage de psy pour mon livre, mais j'ai trouvé en Vladimir Jovic, un modèle, une inspiration pour ce personnage, dit Homel. Une fois le roman terminé, je me suis dit qu'il fallait que les gens entendent sa parole à lui et pas juste ma fiction.»

Dans son film, Vladimir Jovic soigne trois personnes très différentes, qui souffrent toutes de traumatismes psychologiques liés à la guerre: une vieille dame qui croit dur comme fer que ses voisins veulent l'empoisonner, une autre, plus jeune, qui a été violée à répétition par des soldats dont elle ne saurait dire le camp, et un homme au regard fuyant qui affirme avoir été enrôlé très jeune dans l'armée et avoir commis des atrocités contre sa volonté.

«C'est le personnage central, dit Homel. Son histoire se défait au fur et à mesure. On voit d'abord en lui une victime, puis on commence à gratter et ça devient de plus en plus trouble. C'est typique de beaucoup de personnes là-bas qui clament leur innocence, mais s'ils ont des problèmes de comportement aujourd'hui, c'est qu'ils n'ont pas agi en simples victimes.»

Homel ne pensait pas filmer la thérapie - «Normalement, on ne tourne pas ça.» - mais il a vite compris qu'au contraire, le psy encourageait ses patients à parler devant la caméra. «Milosevic disait qu'il n'y avait pas de guerre, il ne fallait pas en parler, explique Homel. Pour Jovic et ses collègues, fini le déni: oui, il y a eu une guerre et ils l'ont perdue. On me demande comment j'ai pu faire ça avec une caméra. La réponse, c'est que je n'aurais pas pu entrer dans leur intimité sans caméra.»

Homel visite aussi un camp de réfugiés, des «oubliés de la guerre» qui vivent depuis des années dans des conditions atroces. «J'étais vraiment mal à l'aise, j'avais l'impression d'être au zoo, et le psy était réticent à ce qu'on y tourne. Je lui ai dit: «Écoute Vladimir, pour nous en Amérique, les réfugiés c'est le Darfour, l'Éthiopie... Je veux montrer qu'en Europe, chez nos voisins, ces réfugiés sont des gens aux yeux bleus, nos semblables.»»

Le psy, la victime et le bourreau sera projeté dimanche au Cinéma ONF au même programme que Les chevaliers d'Orlando de Jelena Popovic. La cinéaste montréalaise retourne sur les lieux de son enfance à la station balnéaire de Dubrovnic où elle retrouve ses amis d'alors devenus des adultes qui jouent à la guerre au paintball. Un film au ton plus léger mais qui cache une réalité troublante.

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Le psy, la victime et le bourreau. En version française (précédé des Chevaliers d'Orlando), au Cinéma ONF, dimanche à 20 h. En version anglaise au Centre Segal des arts de la scène au Saidye, le 19 février à 19 h.