Le mois dernier, Jean Dujardin rencontrait quelques journalistes québécois à Paris afin d'assurer la promotion de 99 francs. L'adaptation cinématographique du livre à succès de Frédéric Beigbeder, réalisée par Jan Kounen, prendra l'affiche chez nous l'été prochain.

Auparavant, un autre film dont la star d'OSS 117 est la tête d'affiche aura toutefois traversé l'Atlantique. Il s'agit de Contre-enquête, le premier long métrage de Franck Mancuso, dans lequel Dujardin donne la réplique au Québécois d'adoption Laurent Lucas. Dans ce polar, l'acteur incarne un flic dont la vie bascule le jour où sa fillette est tuée. Un personnage sombre, défait, mort à l'intérieur. Puisqu'il n'a plus rien à perdre, ce policier mène sa propre contre-enquête quand des indices laissent croire que le présumé assassin, interprété par Lucas, serait peut-être innocent. Et que le «vrai» coupable courrait toujours.

Même s'il a obtenu un assez beau succès public quand il est sorti en France il y a un an, Contre-enquête a été durement accueilli par une partie de la presse. Dujardin lui-même ne serait pas trop content du film. L'automne dernier, l'acteur déclarait notamment au magazine Studio qu'il s'agissait pour lui d'une déception. «Un beau projet qui aurait pu aboutir, dont j'attendais plus, pour lequel j'aurais voulu être plus épaulé, plus dirigé», pouvait-on lire dans un article signé Béatrice Toulon.

Devant les représentants de la presse québécoise, Jean Dujardin a quand même eu l'élégance de défendre le film de Mancuso sur le plan idéologique. Il estime que Contre-enquête a été injustement traité à cet égard. Comme l'histoire décrit le parcours d'un flic qui, animé par un sentiment de vengeance, tente de se faire justice après avoir vécu le pire des drames, les procès d'intentions n'ont évidemment pas tardé à se faire entendre.

«Je ne comprends vraiment pas qu'on puisse relire ce film de cette façon, dit Dujardin. De nous placer du côté des fachos, j'ai trouvé cela idiot. Ce n'est qu'un film. Qui va jusqu'au bout et nulle part à la fois. Il ne fait qu'un constat. Horrible. Et c'est tout. Ce personnage a les moyens d'aller jusqu'au bout parce qu'il est flic. La question de savoir si nous aurions agi de la même façon à sa place ne se pose même pas. Je n'ai pas à lui chercher une excuse; on ne fait que raconter une histoire.»

Franck Mancuso, lui-même un ancien policier qui, à l'instar de ses collègues Michel Alexandre (le scénariste de L. 627) et Olivier Marchal (36 Quai des orfèvres), s'est reconverti dans l'écriture et la réalisation, indique de son côté que son film ne prend justement aucune position de cette nature.

«Un policier a aussi sa vie privée, dit-il au cours d'une entrevue accordée à La Presse. Quand un homme vit un drame aussi horrible - le meurtre de son propre enfant -, il a forcément au départ l'envie de se venger. C'est dans la nature humaine. En revanche, il est aussi tout à fait normal que cette soif de vengeance disparaisse ensuite au profit de l'être social qu'il est. Et c'est tant mieux. C'est pour ça que la justice existe.»

«Ceux qui ont critiqué le film en y voyant un appel au rétablissement de la peine de mort ou à la vengeance personnelle n'ont pas bien vu, poursuit-il. Il s'agit simplement d'une histoire, inspirée d'une cause qui a été célèbre en France, plausible en tous points sur le plan technique. Je ne voulais surtout pas insulter mes anciens collègues en élaborant une histoire peu crédible!»

Différentes pistes

Laurent Lucas, qui interprète de nouveau un personnage ambigu dont on ne peut jamais deviner la véritable nature, y a vu de son côté un formidable défi d'acteur. «Premièrement, nous n'avons pas souvent l'occasion de tourner des thrillers, faisait-il remarquer au cours d'une entrevue accordée à Montréal la semaine dernière. Ce qui m'a frappé à la lecture du scénario, c'était de constater à quel point tout était précis, bien documenté. Un type comme Franck Mancuso, qui a travaillé à la Police judiciaire pendant 20 ans, arrive forcément avec du bagage. Cela se sent dans son écriture. Et puis, j'aime les histoires qui entraînent le spectateur sur différentes pistes.»

La participation de Jean Dujardin à Contre-enquête relève par ailleurs presque d'un concours de circonstances. «Je voulais tourner avec Laurent Lucas! dit-il simplement. De surcroît, je crois que c'était le bon moment de m'attaquer à ce genre de personnage. Je sortais alors d'une tournée théâtrale d'une durée de six mois. J'étais éreinté. Le tournage de Contre-enquête a commencé par la scène où mon personnage découvre que sa fille a été tuée. J'ai passé la première journée à chialer et à me répandre. J'étais usé. Mais je crois que cela a bien servi l'histoire.»

Contrairement à l'approche qu'il privilégie quand il se glisse dans la peau d'un personnage outrancier comme celui du surfeur déjanté de Brice de Nice ou celui d'une catastrophe ambulante dans OSS 117, Dujardin a cette fois «laissé passer l'histoire devant».

«Il n'y a rien à composer, commente-t-il. Il faut être là. Ressentir. Il s'agit du rôle le plus noir que j'aie eu à jouer jusqu'à maintenant. Ça m'a remué en tout cas.»

Vous l'avez vu dans...

Brice de Nice, de James Huth
OSS 117: Le Caire, nid d'espions, de Michel Hazanavicius

Vous le verrez dans...

99 francs, de Jan Kounen
OSS 117: Rio ne répond plus, de Michel Hazanavicius

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Contre-enquête prend l'affiche aujourd'hui. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.