Jean Dujardin n’a pas peur d’aller là où personne ne l’attend. Une audace artistique qui lui permet de naviguer entre la comédie populaire (Brice de Nice, OSS-117), le film d’époque (Il ne faut jurer de rien!), le  polar (Contre-enquête) en passant par l’univers intimiste de Nicole Garcia, son prochain film prévu pour l’an prochain.

En attendant, le public québécois pourra le découvrir la semaine prochaine dans l’adaptation du roman de Frédéric Beigbeder, 99F, sur les coulisses du monde de la publicité. Jan Kounen (Dobermann) signe la mise en scène de cette production qui carbure à l’originalité et au délire.

Dujardin incarne Octave, un publicitaire imbu de lui-même qui, après avoir connu le sommet de la gloire, vivra une descente aux enfers. Trop de coke, trop d’alcool, trop de femmes, trop de nuits blanches. Du coup, sa vie deviendra une pub noire et glauque, une vie qu’il lui faudra reprendre en main afin d’accéder à la rédemption.

«Octave est quelqu’un qui voit sa vie comme une publicité, mais on a cherché à aller plus au fond de son âme, en usant du second degré, tout en respectant l’esprit du roman. Le livre est plus sombre et plus cynique que le film, qui possède un côté créatif et récréatif», explique Dujardin à un petit groupe de journalistes réunis, en janvier dernier, dans un hôtel de Paris.

De son personnage, Dujardin croit qu’il fallait le rendre antipathique dès le départ, évolution du scénario oblige. «C’était important qu’il soit détestable, car il doit ensuite se racheter pour attirer l’empathie. Lui aussi est une victime du monde de la publicité. C’est un manipulateur manipulé. Ceci dit, il n’était pas question de singer Beigbeder.»

Romancier corrosif

Le corrosif romancier, réputé pour son penchant des nuits folles et branchées, fait trois courtes apparitions dans 99F. «C’est quelqu’un de très philosophe le jour, et de très potache le soir…», glisse un Dujardin pince-sans-rire.

En seulement quelques années, Jean Dujardin, 36 ans, s’est imposé comme l’une des valeurs sûres du box-office français. La vedette de l’adaptation française de la télésérie québécoise Un gars, une fille, est capable de drainer son lot de spectateurs par son seul nom au générique. Ses personnages du surfeur Brice de Nice («J’t’ai cassé…») et de l’agent secret bouffon OSS-117, en ont fait une idole auprès du jeune public. Son projet d’incarner le célèbre «poor lonesome cowboy» Lucky Luke devrait lui permettre de faire briller davantage son étoile au firmament des stars françaises.

La suite des aventures loufoques de son James Bond de pacotille, en tournage depuis deux mois entre Rio de Janeiro et Paris (OSS-117 : Rio ne répond plus), découle de cette volonté d’aller là où bon lui semble.

«J’ai choisi ce métier pour être libre. J’ai toujours écouté mon plaisir. J’ai eu de la chance, mais je la provoque. Je prends les devants. Je suis un acteur actif. Je m’amuse beaucoup, je fais ce que j’ai envie de faire et rien ni personne ne m’en empêchera.»

«Mais à chaque fois, c’est un risque, poursuit-il. La suite d’OSS-117, ça m’angoisse un peu, mais en même temps, ça m’excite. On ne bénéficie plus de l’effet surprise du premier. Il va falloir trouver de nouvelles choses, quitte à frôler le quatrième degré. En même temps, on crée le manque et c’est agréable. Et puis si je me plante, je me planterai…»

Un enfant de six ans

Dujardin croit que le public a craqué pour OSS-117 car il agit comme un gamin. «Il est méchant, raciste, on n’a qu’à regarder ce qu’il pense des musulmans, mais en même temps, il agit comme un enfant de six ans. Et on pardonne tout à un enfant de cet âge. OSS c’est comme un idiot intelligent…»

La renommée de Jean Dujardin ne l’empêche pas de garder les deux pieds sur terre. Il protège farouchement sa vie privée du regard inquisiteur de la presse people. «Quand on est en vacances, moi, ma femme et les enfants, on pense seulement à ça… C’est une agression, une violation.»

Et les critiques de ses films, qu’en pense-t-il? «Je fais comme avec l’horoscope : quand c’est bien, je les prends, sinon je ne les prends pas…»