Après une longue période de léthargie, Mickey Rourke remonte sur le ring dans The Wrestler, le nouveau film de Darren Aronofsky. Une simple étape dans une longue rédemption pour un acteur dont on a déjà dit qu'il était le digne héritier de James Dean et de Marlon Brando.

C'est le grand retour dont tout le monde parle présentement à Hollywood. Depuis la présentation de The Wrestler au Festival de Venise (où le nouveau film de Darren Aronofsky a obtenu le Lion d'or) et, quelques jours plus tard, au Festival de Toronto, le nom de Mickey Rourke alimente les conversations.

«Ça me fait tout drôle», commentait l'acteur au cours d'une rencontre de presse tenue il y a deux semaines à New York, soit avant qu'il ne décroche une nomination aux Golden Globes dans la catégorie du meilleur acteur dramatique. «C'est une longue remontée. Qui n'est pas encore terminée. J'ai laissé tellement de dégâts derrière moi qu'il faudra plus qu'un bon rôle dans un bon film pour que les bons cinéastes m'accordent à nouveau leur confiance.»

Le ton est lucide, serein. Et traduit subrepticement des années de «travail sur soi», effectué par un acteur dont on disait, il y a 20 ou 25 ans, qu'il était le digne héritier de James Dean et de Marlon Brando. Avec des rôles marquants dans des films comme Diner (Levinson), Rumble Fish (Coppola), Angel Heart (Parker) ou Barfly (Schroeder), Rourke est vite devenu l'enfant chéri des auteurs cinéastes qui avaient besoin du talent d'un acteur frondeur et écorché pour magnifier leurs univers créatifs. À une certaine époque, Rourke est même devenu une vedette «populaire» grâce à sa participation au thriller érotique d'Adrian Lyne 9 1/2 Weeks.

Réputé «difficile» et ingérable, Rourke a dû se contenter progressivement de rôles insignifiants dans des productions peu relevées. Jusqu'au jour où il a décidé de tout arrêter pour devenir boxeur. Ces difficultés professionnelles n'ont pourtant pas altéré le statut d'icône que l'acteur a maintenu pendant toutes ces années auprès de cinéastes issus des générations suivantes. Parmi lesquels Darren Aronofsky.

«Mickey n'est pas très vieux mais, d'une certaine façon, il fait partie d'une vieille école, observe le cinéaste. Avec lui, il n'y a pas de chichis, pas de bullshit. Quand tu gagnes sa confiance, tu l'as pour la vie. C'est bien de faire la rencontre d'un être aussi authentique dans un milieu où il y a tant de vedettes superficielles.»

Rourke étant pratiquement disparu de la circulation, Aronofsky a dû se battre pour imposer l'acteur auprès des producteurs. Il a même modifié ses plans et devis de façon à réduire de moitié le budget de son film, histoire de faire en sorte que son choix de faire appel à un has been fini devienne incontestable.

«Il est d'ailleurs assez ironique de constater que The Wrestler n'existerait probablement pas de la même façon sur le plan médiatique sans la présence de Mickey», fait remarquer le cinéaste.

De troublants parallèles

Dans l'esprit d'Aronofsky, il ne faisait aucun doute que Rourke allait livrer une performance mémorable dans son film. D'autant plus que l'acteur pouvait tracer plusieurs parallèles entre le personnage et lui-même. The Wrestler relate le parcours d'un lutteur qui a connu la gloire dans les années 80, mais qui est aujourd'hui relégué à des spectacles de lutte bas de gamme, desquels il vit à peine. Surtout, la vie personnelle du lutteur est un désastre. Sa fille adolescente (Eva Rachel Wood) est ainsi tellement en colère qu'il ne peut espérer un quelconque rapprochement. Seule une danseuse (Marisa Tomei) lui porte un certain intérêt, quoique rien ne soit simple de ce côté non plus.

«D'abord, explique Rourke, il y a eu une préparation physique qui a duré six mois. J'ai eu plusieurs entraîneurs, parmi lesquels des lutteurs professionnels qui ont pu m'enseigner les techniques utilisées dans leurs spectacles. J'ai aussi retenu les services d'un pugiliste israélien qui a l'habitude de se battre dans des cages afin d'améliorer mon endurance. Je lui ai donné comme consigne de m'obliger à travailler, même les jours où je ne voulais rien savoir. Laissez-moi vous dire qu'il valait mieux pour moi de l'écouter!»

À 52 ans, Rourke s'est ainsi sculpté un corps d'athlète qui lui a permis de réaliser lui-même toutes les prouesses techniques que requérait le rôle. De surcroît, l'acteur a dû visiter en lui des zones très sombres, du genre de celles qu'on préfère habituellement ne pas trop explorer.

«Je sais très bien par où ce personnage est passé, explique-t-il. J'ai touché le fond comme lui. À la différence que j'ai eu la chance d'avoir parfois dans mon entourage des gens qui ont pu me donner un coup de pouce à une époque où je ne parvenais même plus à trouver un agent pour me représenter! Le plus difficile est de confronter le regard des gens qui, constamment, te reconnaissent et t'interrogent sur les raisons de ton absence. Quand ça fait 15 ans que tu joues sur le banc, tu ne peux faire autrement que de commencer à croire que ta carrière est vraiment finie.»

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The Wrestler (Le lutteur en version française) prend l'affiche demain.

Les frais de voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.