Stephen Elliott voulait tourner la page sur Priscilla, Queen of the Desert. Ben Barnes désirait prouver que sa belle tête peut être crédible sur d'autres épaules que celles du charmant prince Caspian. Jessica Biel était en quête d'un succès professionnel. Rencontre avec un trio qui s'est remis en selle pour galoper vers un ailleurs différent. Celui d'Easy Virtue.

Pendant des années, Stephen Elliott a détesté Priscilla, Queen of the Desert. Pourtant, c'est le film qui, en 1994, l'a fait naître au septième art. «Mais peu importe ce que j'ai fait par la suite, il y avait toujours ce commentaire: «Ce n'est pas Priscilla.»»

Rencontré à New York où il faisait la promotion d'Easy Virtue, le réalisateur australien se souvient comment, il y a 10 ans, excédé par le milieu du cinéma, il en a claqué la porte. Pour s'installer dans les Alpes. Et, presque, y mourir: en 2004, il s'est cassé le dos, le bassin et les jambes dans un accident de ski. Dans l'ambulance qui le conduisait à l'hôpital, on lui a dit qu'il lui restait 20 minutes à vivre.

«Ça a été un moment intéressant. J'ai eu cette chance de découvrir comment, confronté à la mort, je réagirais. Eh bien, j'ai souri. Je me suis dit: «C'est juste ça?» Et je me suis évanoui.»

Il s'est réveillé trois jours plus tard. Pour apprendre qu'il ne marcherait plus. Erreur. Il a réappris. «L'accident a eu deux effets sur moi. D'abord, je me suis dit que si j'avais réussi à survivre à ça, je pouvais survivre au monde du cinéma. Ensuite, j'ai réapprivoisé Priscilla

Il a ainsi écrit une comédie musicale inspirée du film. Et il a scénarisé, avec Sheridan Jobbins, un texte... qui n'était pas pour lui: Easy Virtue, du dramaturge britannique Noël Coward. Un huis clos sis dans l'Angleterre des années 20. La Première Guerre mondiale a laissé ses marques sur les gens et une société où valeurs d'hier et d'aujourd'hui entrent en collision.

C'est le cas chez les Whittaker. Où la mère (Kristin Scott Thomas) s'accroche à un monde qui n'existe plus. Où le père (Colin Firth), présent physiquement, n'est jamais vraiment revenu du front. Où le fils, John (Ben Barnes), s'est marié avec une Américaine, Larita (Jessica Biel), coureuse automobile plus âgée que lui, veuve, affichant un esprit libre. Une femme de petite vertu aux yeux de madame-mère. Autre collision en vue.

«Je pense n'avoir jamais vu jusqu'au bout un film «d'époque». Et c'est finalement ce qui m'a attiré dans ce projet, poursuit le réalisateur. Le fait de ne pas être le candidat «idéal». Et le sentiment de rébellion qui transpire du texte.»

Moderne

Il a ainsi transformé la pièce en un film «de costumes» qui n'en est pas vraiment un. Car Noël Coward, qui n'avait que 23 ans quand il a écrit le texte en 1924, tenait à ce que son oeuvre ne soit jamais perçue comme une pièce de musée. Sa dramaturgie s'ancrait dans son temps à lui. «J'ai fait un film moderne, mais en conservant l'époque, pas en travaillant sur des anachronismes mais sur le ton», explique le réalisateur.

Stephen Elliott désirait aussi que sa distribution surprenne. Entrée de Jessica Biel. On l'a vue dans Blade 3 et Next. Et aperçue dans The Illusionist. «J'aurais pu trouver une actrice qui aurait campé Larita les mains dans le dos, mais je voulais quelqu'un qui apporte une fraîcheur au rôle, explique Elliott. Jessica est drôle et personne n'avait vu ce côté de son talent.»

Ça tombait bien, la comédienne cherchait à jouer la carte de la différence. Dans le registre. Et, pourquoi pas, un peu plus? «Stephen m'a demandé ce que je pensais de devenir une blonde platine. Des images de Jean Harlow et de Carole Lombard, ces actrices glamour des années folles, me sont montées à l'esprit. Et j'ai accepté.»

Tout comme, plus tard dans le processus, elle a accepté de chanter Mad About the Boy qu'au départ, Ben Barnes devait interpréter. «Mais Stephen a découvert que dans son testament, Noël Coward a bien insisté pour que jamais un homme ne chante cette chanson qu'il a écrite», continue-t-elle. La compagne de Justin Timberlake a donc poussé la note, réalisant ainsi un de ses rêves d'enfant.

Pour ce qui est de Ben Barnes, qui chante aussi dans le film où se côtoient des pièces d'époque et d'autres, contemporaines mais arrangées de manière à faire époque (on reconnaît la patte de Marius de Vries, qui était de l'aventure Moulin Rouge), sa décision d'incarner John Whittaker n'a pas été spontanée. «Après Prince Caspian, j'étais prêt pour tout rôle où je n'aurais pas à manier l'épée, dit-il. Mais j'ai hésité à accepter celui-là: John est faible, dominé par sa mère. Mais en discutant avec Stephen, j'ai vu qu'il était possible de mettre sa naïveté de l'avant - cela lui donne un charme qui relègue à l'arrière-plan sa facette fils à maman.»

À l'arrivée, des personnages plus «aimables» que ceux que Noël Coward a créés, un ton à l'humour noir plus qu'au mélodrame. L'ensemble a toutefois conservé ses couleurs d'origine. Comme si hier et aujourd'hui déambulaient main dans la main. Et que Stephen Elliott, à qui l'on a dit qu'il ne marcherait plus, les accompagnait. Miracle?

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Easy Virtue (Un mariage de rêve en version française) prend l'affiche le 5 juin.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Alliance Vivafilm (Sony Pictures Classics).