Elle a trouvé plus souvent ses repères dans le cinéma indépendant ou auprès de cinéastes étrangers que dans les films hollywoodiens. Sa rencontre avec le cinéma d'Atom Egoyan relève de l'évidence. Julianne Moore est aujourd'hui l'une des têtes d'affiche de Chloe, une «réinvention» du Nathalie d'Anne Fontaine.

De son propre aveu, Julianne Moore mène une vie très simple qui n'a rien à voir avec le cinéma. Les personnages écorchés qu'elle incarne, souvent dans des univers dramatiques très riches, sont tout à fait à l'opposé de sa nature.

«J'ai besoin d'une vie stable et équilibrée pour permettre à mon imaginaire de décoller», a confié l'actrice au cours d'une entrevue accordée à La Presse au Festival de Toronto l'an dernier. J'aime observer les gens et tenter de deviner ce qui les préoccupe. Les êtres humains me fascinent.»

Julianne Moore n'a jamais craint de prêter son talent à des cinéastes dotés d'une vision singulière. Robert Altman (Short Cuts), Todd Haynes (Safe, Far from Heaven, I'm Not There), Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia) et, plus récemment, Tom Ford (A Single Man) lui ont donné ses plus beaux rôles. On la verra bientôt en mère lesbienne dans The Kids Are All Right de Lisa Cholodenko, présenté récemment à Sundance et à la Berlinale, où le film a été chaleureusement accueilli. Depuis quelques années, l'actrice aime aussi se fondre dans les univers de cinéastes étrangers.

«Le cinéma s'internationalise et je trouve cela formidable, dit-elle. Cela nous donne la chance de voir le monde sous différents angles, qui font aussi écho à notre condition humaine.»

Méticuleuse dans ses choix, l'actrice parvient à trouver des rôles intéressants même dans un contexte où - c'est ce qu'on affirme souvent - les beaux personnages féminins à l'aube de la cinquantaine ne sont pas légion au cinéma.

«Je suis très privilégiée, fait-elle remarquer. J'en suis consciente. Cela dit, je crois que la situation est dure pour tout le monde présentement. Les studios ne produisent plus de films axés sur les êtres humains. Les acteurs doivent plutôt chercher du côté des indépendants. C'est auprès d'eux que je trouve habituellement les projets les plus intéressants.»

Une grande confiance

Avec Chloe, le nouveau film d'Atom Egoyan, l'actrice s'estime gâtée. Rares sont les films où les femmes d'âge plus mûr évoluent dans un contexte où s'expriment à la fois sensualité, érotisme et vulnérabilité.

Devant la caméra d'Egoyan, Julianne Moore incarne un médecin soupçonnant son mari (Liam Neeson) de la tromper. Elle veut en avoir le coeur net. Elle embauche une prostituée (Amanda Seyfried) pour séduire son mari. Et pour lui faire rapport ensuite. Avec force détails.

«Dès que j'ai su qu'Atom était lié à ce projet, je lui ai tout de suite porté une attention particulière, explique l'actrice. Entre les mains d'un autre, ce scénario aurait facilement pu être exploité de façon sensationnaliste. Atom fait plutôt dans la subtilité. Je l'admire depuis très longtemps.»

Il y a des scènes délicates dans Chloe. Outre celles teintées d'érotisme, plusieurs séquences font écho à la grande fragilité de personnages qui, d'une certaine façon, se font prendre à leur propre jeu.

«J'étais totalement en confiance, explique l'actrice. Atom et moi avons beaucoup discuté avant le tournage. Habituellement, je ne souhaite pas qu'un cinéaste me parle trop du personnage, car il en résulte parfois des indications contradictoires. Avec Atom, ce n'était pas pareil. Il aime parler. Sa vision du personnage - et du film - était fascinante.»

Toronto érotique

Chloe est inspiré du film français Nathalie, réalisé par Anne Fontaine. Pour la première fois de sa carrière, Atom Egoyan porte à l'écran un scénario auquel il n'a pas travaillé au départ. Du coup, Chloe devient probablement son film le plus accessible, le plus limpide sur le plan narratif.

«Il s'agit plus d'une réinvention que d'un remake, fait toutefois remarquer l'enfant chéri du cinéma canadien. Ce projet m'a intéressé parce qu'il me donnait la possibilité d'explorer une avenue que je n'aurais probablement pas empruntée moi-même sur le plan de l'écriture. J'y aurais trop vu le piège de la formule.»

À la différence du film original, où le trio de choc était interprété par Fanny Ardant, Gérard Depardieu et Emmanuelle Béart, le drame psychologique cède progressivement ici la place à un thriller.

«Aussi, le rapport entre les deux femmes est complètement différent dans Chloe, car l'écart d'âge est beaucoup plus prononcé», note le cinéaste.

L'atmosphère teintée d'érotisme qu'on retrouve dans le film n'est pas sans rappeler celle d'Exotica. Toronto, la ville où l'intrigue fut transposée, est filmée avec amour.

«Je sais que vous allez rire, vous de Montréal, mais Toronto est une ville très sexy, dit Egoyan. Il y a plein d'endroits chargés d'érotisme, mais cet aspect de notre ville se laisse deviner beaucoup plus difficilement qu'ailleurs. J'ai voulu évoquer cela dans le film. Pour une fois, la ville est mise en valeur dans un film voué à une carrière internationale. Cela n'arrive presque jamais, même si plusieurs films sont tournés ici.»

Chloe prend l'affiche le 26 mars.